Entretien avec Ibrahima Cheikh Diong
Défi climatique en Afrique: Trois questions à Ibrahima Cheikh Diong, Sous-secrétaire général de l’ONU
LA VÉRITÉ
Ibrahima Cheikh Diong, Sous-secrétaire général des Nations Unies et directeur général de la Mutuelle panafricaine de gestion des risques (ARC) met en lumière, dans cet entretien à la MAP, les avancées réalisées par le Maroc en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique.
Il s’arrête également sur les défis du changement climatique en Afrique et le problème de financement vert.
L’entretien est réalisé en marge de la Table ronde africaine sur le climat, qui se tient les 7 et 8 mai à Johannesburg, sous le thème «L’augmentation du financement climatique et l’adaptation pour une plus grande résilience en Afrique».
1. Ces dernières années, le Maroc s’est fortement engagé à renforcer ses mesures de lutte contre le réchauffement climatique. Comment évaluez-vous ces efforts ?
– Le Maroc est un pays très avancé sur les questions du changement climatique, notamment en matière de prévoyance, d’anticipation et de modélisation des risques. Dans ce sens, la Mutuelle panafricaine de gestion des risques incite les pays africains à s’entraider et à échanger les expertises et les expériences.
Le Royaume a également réalisé des pas géants en matière de transition énergétique, notamment dans l’énergie solaire avec les programmes Noor, ce qui lui permet de servir d’exemple pour les autres pays africains.
Nous comptons sur le savoir-faire et l’expérience du Maroc pour en faire bénéficier les autres pays africains, afin d’assurer qu’ils disposent des outils et des compétences nécessaires à même de pouvoir relever les défis du réchauffement climatique.
Le Maroc a mis en avant des solutions innovantes qui permettent d’accroitre les énergies propres dans le mixe énergétique.
Aujourd’hui, le défi du changement climatique s’impose avec acuité à tous les pays à travers le monde et une approche fédératrice d’énergie s’avère de plus en plus nécessaire.
Dans ce contexte, les pays africains se doivent de fédérer leurs énergies et leurs efforts pour répondre plus efficacement aux chocs climatiques.
2. Quel est l’impact du changement climatique en Afrique ?
– L’Afrique contribue à moins de 4 % des émissions mondiales du gaz à effet de serre. Néanmoins, l’impact du changement climatique sur le continent est énorme, avec des sécheresses de plus en plus longues et des inondations récurrentes qui menacent la sécurité alimentaire des populations africaines.
Les pertes et dommages causés par les changements climatiques en Afrique sont considérables, ce qui met en avant la responsabilité des pays riches à venir en aide aux pays affectés. D’ailleurs, l’accord de Paris adopté en 2015 met l’accent sur la responsabilité commune, mais différenciée, vis-à-vis de la question climatique.
Malheureusement, les températures continuent d’augmenter, l’année dernière ayant été la plus chaude jamais enregistrée. Les conditions météorologiques ne sont toujours pas favorables.
L’Afrique a aussi des défis liés au développement. Il faut ainsi trouver un juste milieu entre les besoins économiques et la nécessité d’agir pour renforcer les mesures d’atténuation, d’adaptation et de résilience. Au fur et à mesure que les pays africains déploient de surcroit d’efforts pour promouvoir leur croissance, ils doivent également accroitre leur lutte contre le changement climatique.
D’ailleurs, la Mutuelle panafricaine de gestion des risques a été établie essentiellement pour créer un effet de solidarité entre les pays africains sous les auspices de l’Union africaine (UA). Il s’agit d’une agence spécialisée qui travaille à atténuer l’impact négatif des changements climatiques.
Sa mission porte sur trois axes : s’assurer que le système d’alerte précoce soit accessible aux décideurs africains, afin qu’ils puissent prendre des décisions sur la base de données fiables, aider les États africains à mieux s’organiser en cas de choc climatique et améliorer la capacité des pays à mobiliser les fonds d’urgence.
3. Comment les pays africains peuvent résoudre l’épineux problème du financement climatique ?
– Les pays riches sont appelés à honorer leurs engagements financiers vis-à-vis des pays en développement pour leur permettre de lutter adéquatement contre les événements climatiques extrêmes.
Lors de la conférence de Paris sur le climat, les pays développés se sont engagés à fournir 100 milliards de dollars par an pour pouvoir résorber le déficit financier qui pèse sur les pays pauvres en matière de lutte contre le changement climatique. Hélas, ces engagements n’ont pas été respectés.
La deuxième problématique est que quand les ressources financières sont disponibles, les procédures d’accès posent problème. Pour permettre aux pays qui en ont besoin d’y avoir accès, elles doivent être simplifiées.
Lorsque les ressources sont disponibles, l’établissement des priorités est la troisième question, pour que les gouvernements africains sachent exactement comment elles seront dépensées.
Pour renforcer la résilience des populations les plus vulnérables qui sont affectées par les changements climatiques en Afrique, la communauté internationale est appelée à déployer davantage d’efforts.