Marché du travail : Une création de 282 000 emplois entre 2024 et 2025, mais des défis persistants
Examinons les données fournies par le Haut-Commissariat au Plan (HCP)

Fayçal El Amrani
Entre le premier trimestre de 2024 et celui de 2025, le Maroc a connu une reprise notable sur le marché du travail, marquant un contraste avec la perte de 80 000 postes l’année précédente. Selon les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), l’économie nationale a généré 282 000 emplois, consolidant une tendance d’ensemble favorable. Toutefois, cette croissance révèle des inégalités persistantes entre les zones urbaines et rurales, ainsi qu’une montée du sous-emploi, soulignant des défis structurels à surmonter.
L’évolution du marché du travail : Un équilibre urbain-rural fragile
La dynamique économique s’est principalement concentrée dans les zones urbaines, où 285 000 emplois ont été créés, portés par les secteurs des services, de l’industrie et du bâtiment. En revanche, les milieux ruraux ont enregistré une perte nette de 3 000 postes, exacerbée par la crise agricole qui a entraîné une diminution de 72 000 emplois dans les activités liées à l’agriculture, la forêt et la pêche. Cette divergence traduit une dépendance accrue des zones urbaines aux secteurs modernes, tandis que les zones rurales peinent à diversifier leurs sources d’emploi.
En termes de types d’emplois, la création de 319 000 postes rémunérés marque une avancée vers une formalisation accrue du marché du travail. Cependant, cette tendance s’accompagne d’une réduction de 37 000 emplois non rémunérés, reflétant une précarisation croissante dans les milieux ruraux, où les travailleurs informels restent vulnérables.
Secteurs porteurs et zones d’ombre
Les services se positionnent comme le premier moteur de la croissance, avec 216 000 emplois supplémentaires. Les branches des services sociaux, tels que l’éducation et la santé, ont contribué à hauteur de 74 000 postes, suivies des activités financières, techniques et administratives (+66 000). Le commerce a également généré 48 000 emplois, illustrant la résilience de ce secteur face aux fluctuations économiques.
L’industrie et le bâtiment (BTP) ont enregistré des progressions modérées, respectivement +83 000 et +52 000 emplois. Cependant, ces secteurs font face à un taux de sous-emploi élevé, atteignant 22,6 % dans le BTP, ce qui soulève des interrogations sur la qualité et la durabilité des emplois créés.
À l’inverse, l’agriculture continue de subir une crise structurelle, perdant 72 000 postes en un an. Cette évolution fragilise davantage les communautés rurales, dépendantes de ce secteur pour leur subsistance.
Chômage : Une baisse globale, mais des écarts persistants
Le taux de chômage national a reculé de 13,7 % à 13,3 %, soutenu par une réduction de 40 000 chômeurs en milieu urbain. Toutefois, cette amélioration masque des disparités régionales et démographiques. Les zones rurales ont vu leur taux augmenter de 0,5 point à 7,3 %, tandis que les jeunes de 15 à 24 ans restent particulièrement touchés, avec un chômage record de 37,7 %.
Parmi les diplômés, le taux a baissé à 19,4 %, grâce à une réduction significative pour les techniciens et cadres moyens (-3,9 points). Cette tendance suggère une meilleure absorption des qualifications intermédiaires par le marché du travail, bien que les diplômés de haut niveau continuent de rencontrer des obstacles.
Sous-emploi : Une ombre sur la reprise
Malgré la création d’emplois, le sous-emploi a progressé de 1,5 point à 11,8 % au niveau national. Le secteur du BTP est le plus affecté, avec un taux de 22,6 %, suivi de l’agriculture (14,4 %) et de l’industrie (7,3 %). Cette situation s’explique par une insuffisance de revenus ou une inadéquation entre les qualifications des travailleurs et les postes occupés, touchant 590 000 personnes. De plus, 664 000 actifs travaillent des heures insuffisantes pour garantir un revenu stable, compromettant la qualité de la reprise économique.
Disparités régionales : Cinq pôles dominent le marché
Cinq régions concentrent 72 % de la population active : Casablanca-Settat (22,3 %), Rabat-Salé-Kénitra (13,2 %), Marrakech-Safi (13 %), Fès-Meknès (11,9 %) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (11,7 %). Ces territoires affichent des taux d’activité supérieurs à la moyenne nationale (42,9 %), avec Casablanca-Settat à 45,1 % et Tanger-Tétouan-Al Hoceima à 47,1 %.
En revanche, les régions de l’Oriental et du Sud font face à des taux de chômage élevés (respectivement 25,2 % et 23,8 %), tandis que Béni Mellal-Khénifra enregistre un taux d’activité faible de 39,9 %. Ces écarts soulignent la nécessité d’une planification territoriale équilibrée pour réduire les déséquilibres.
Vers une reprise inclusive ?
La création de 282 000 emplois entre 2024 et 2025 témoigne d’une résilience économique portée par les services et l’industrie. Cependant, les défis demeurent considérables : crise agricole, sous-emploi en hausse et disparités régionales. Pour consolider cette reprise, une politique ambitieuse en faveur de la formation professionnelle, de la modernisation des zones rurales et de la création d’emplois stables s’impose. Seule une approche ciblée et durable permettra d’assurer une croissance inclusive et équitable pour tous les Marocains.