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Tribune: Israël, la fin d’un mythe

Mohamed Zilaoui


L’Histoire, ce mouvement dynamique oscillant en permanence entre cause et répercussion, le passé et le présent, permet de suivre le cheminement des crises et de comprendre l’actualité planétaire. L’Histoire du conflit arabo-israélien depuis les balbutiements jusqu’à nos jours, est une longue succession de conflits dévastateurs. Des guerres âprement menés entre plusieurs pays arabes et l’entité sioniste. Ces guerres finissaient en déroute et dans la débandade soit par de grandes pertes territoriales arabes ou des accords faits de renonciation et\ou de gains insignifiants sans jamais résoudre la problématique centrale des palestiniens et leur droit à la dignité et à un Etat souverain, mais depuis les années 2000, le rapport de force s’inverse progressivement et un délabrement perceptible s’amorce dans l’armée de Tsahal.
Retour sur ce conflit, point de friction et tension entre le bloc occidental mené par les États-Unis et les palestiniens.
La société arabe, au lendemain de la décolonisation, était mal organisée, mal équipée et souvent meurtrie par les années effroyables de lutte pour l’indépendance. Au sortir de l’oppression coloniale, ces pays étaient le plus souvent en proie à des dissensions internes. Des conflits sectaires parfois politiques entre républicains et monarchistes ou entre libéraux et marxistes ou communistes, et finalement islamistes contre laïques et réciproquement. Des déchirements qui mènent à des rebellions, souvent matées dans le sang et la terreur ou à des coups d’Etat récurrents. Par ailleurs, les rivalités entre les Etats arabes d’obédience diverse empêchaient l’union véritable de l’OUMA pour la défense de la Palestine. La stabilisation des régimes arabes postcoloniaux en manque de légitimité et souvent vu par les populations comme des pantins de l’ancien colonisateur, les différends sur les tracés frontaliers et les crises internes prévalaient sur le sort des palestiniens et de la mosquée d’Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’Islam.
Les israéliens quant à eux, étaient un bloc uni par le rêve sacro-saint de retrouver la terre promise. Une volonté de fer soutenue ardemment par des écrits du talmud, des légendes bibliques et bien évidemment le puissant armement du parrain américain, première puissance mondiale et rappelons-le le seul pays au monde à avoir déversé des bombes nucléaires sur deux villes japonaises. Ces nouveaux arrivants étaient aussi probablement pour certains d’entre eux animés par une soif de revanche contre les atrocités subies dans la deuxième guerre mondiale par l’Allemagne de Hitler.
Tous ces éléments réunis étaient une source de fureur et de fanatisme, une motivation pour mener une guerre implacable et retrouver en vrai ce qui était écrit de longue date. Une fois pied à terre aidé grandement par les puissances coloniales, c’est la ruée juive des quatre coins du monde. Une propagande intense pour rassembler en terre sainte la diaspora juive. Des pays entiers ont été vidés de leur composante juive. Même au Maroc pourtant terre de tolérance et de bienveillance, des milliers de familles juives ont pris le chemin de la Palestine. Feu Abdellah ELamrani, dans son récit L’HOMME QUI TUA LA LUNE, nous a bien décrit cette situation où une ville comme Ouazzane s’est presque entièrement vidée de sa composante juive. La victoire triomphale dans la guerre de six jours face à plusieurs armées arabes réunies accélère le mouvement de dépeuplement des juifs et leur installation en Palestine occupée. C’était une époque charnière à la fois pour la Palestine, le pays d’accueil et pour les pays d’origine de ces nouveaux citoyens d’Israël.
Une diaspora qui s’agglomère en terre sainte et au même moment un peuple autochtone qui se disperse dans les pays aux alentours, à la Nakba de 1948, s’ajoute celle de 1967. Les palestiniens prennent la fuite devant l’armée israélienne bien équipée et insensible à leurs vies. Des milliers de réfugiés se sont alors empaquetés dans la bande de Gaza et la Cisjordanie, mais aussi et surtout dans les pays environnants : Liban, la Syrie, la Jordanie, etc. Un changement de peuple sur une même terre. L’un qui en prend possession et l’autre qui s’en voit déposséder.
Largement renforcé par le halo de la toute puissance militaire face à des armées humiliées, et soutenu par le sang frais de ces nouveaux arrivants, le dilemme existentiel était maintenant pour l’occupant la consolidation de sa présence. Deux scénarios s’offraient à lui : une paix faite de consensus et de concession avec les palestiniens et les pays voisins ou une paix maintenue par le feu, le fer et le sang.
Certes, des épisodes de normalisation ont fait la une des médias. La poignée de main historique de Yasser Arafat et Isaac Rabin marque les esprits et redonne l’espoir d’une conciliation et d’une paix durable. Toutefois, l’entité sioniste a ses extrémistes bellicistes qui veulent s’accaparer tout sans se préoccuper des droits inaliénables du peuple palestinien.
Un mépris sans précédent des droits du peuple palestinien aux yeux du monde entier. Rien que le mois précédent en pleine tribune de l’assemblée générale de l’ONU, Benjamin Netanyahou brandissait la carte de son pays en incluant les territoires de l’autorité palestinienne
Sans doute, le soutien indéfectible de la première puissance mondiale à Israël, la croyance en une force infaillible, des ennemis en état de fragilité conjoncturelle ou structurale (Syrie et Liban), les accords d’Abraham sur les rails, ont fait que la majorité du peuple israélien croyait la victoire acquise et à une possible liquidation et épuration de l’affaire palestinienne.
Et dans cet assaut constant à toujours nier la réalité d’un peuple, cette réalité occultée finit par éclater au grand jour. L’extrême appelle l’extrême, et les plans de paix sabotés qui auront pu contenter les humbles palestiniens volent en éclat. Peut-on toujours parler de la Cisjordanie terre palestinienne, alors qu’elle est sans cesse colonisé par de nouvelles colonies, à la bordure même des villes et villages arabes ? Sur les réseaux sociaux, nous avons même des vidéos des colons qui expulsent les habitants palestiniens de leurs maisons pour se les approprier. Cette totale impunité pouvait-elle perdurer impunément ? la dénégation des droits de l’autre pouvait-elle passer sans réaction ?
Vouloir oppresser, humilier, narguer, voler et évincer finit toujours par se retourner contre soit. C’est d’une fatalité implacable quand on ne se donne pas des limites. Cette situation je l’avais déjà théorisé dans mon récit L’ENFER, C’EST LES AUTRES qui traite le thème de la tyrannie et de la domination des groupes :

« Quand on domine une place, l’autocontrôle est la meilleure des armes pour la préserver, pas la fougue et l’impétuosité. C’est comme dans une partie d’échec où le joueur détient la suprématie et voit la victoire certaine mais sans pouvoir damer son pion. Il est puissant et contrôle tout l’échiquier mais pas tout-à-fait puisqu’il demeure une petite résistance, une infime résistance qui lui dérobe la complète satisfaction. Sans raisonnements, Il multiplie les attaques impulsives qui ouvrent fatalement les brèches de sa propre perte et le font déchoir. Un seul qui résiste, ouvre une faille fatale où s’engouffre sa perte. » (Extrait de la Page 50)

Effectivement, pour évincer velléité révisionniste et revendication des droits inaliénables du peuple palestinien, il faut en finir avec ce qui reste. Le moindre prétexte était utilisé pour s’emparer des symboles palestiniens. Il faut judaïser ce qui reste de la Palestine. Israël doit être un Etat juif pour les juifs.
La Cisjordanie a été démembrée et seuls quelques ilots urbains et ruraux sont encore sous l’autorité restreinte des palestiniens.
L’esplanade de la mosquée d’Al-aqsa, lieu sacré de la Palestine et du monde musulman a été piétiné plusieurs par des extrémistes à la vue du monde et sous la protection de l’armée de Tsahal. Quand on sait que la Visite d’Ariel Sharon le 28 septembre 2000 a provoqué une Intifada en Palestine et dans le monde musulman, refaire cette atteinte c’est une provocation gratuite qui mène au même résultat une autre Intifada. Certes dans l’esprit du conquérant, c’était prendre en main son territoire, soumettre par la loi du plus fort et à habituer cet état de fait par la répétition en pensant que la colère et l’indignation va forcément s’estomper avec le temps mais pour le peuple palestinien bien enracinée dans sa terre et très attaché à ses valeurs, c’était le pousser à se défendre et à œuvrer pour retrouver ses droits et ses libertés. L’extrême appelle l’extrême, il était donc logique de voir surgir une force palestinienne pour contrecarrer l’oppresseur et le détrousseur.
Le tout répressif constant, la dénégation des droits, a été depuis toujours source de révolte et de la désobéissance civile. En Palestine, avec tant de sang versé, tant de malheurs, tant d’assassinats depuis des décennies c’était une poudrière qui n’avait besoin d’une étincelle. Les Palestiniens veulent leurs droits, ils veulent libérer leurs frères et sœurs détenus sans procès dans les geôles israéliennes. Des familles par dizaine de milliers vivent la séquestration d’un être cher. Pouvaient-ils rester bouché bée à tant d’injustices, pouvaient-ils accepter des affronts aussi dégradants ? Malgré la volonté de nettoyage ethnique et les tentatives de déplacement forcé à son égard, ce peuple enseigne au monde ce qu’est l’humanité. Des otages libérés pour des raisons humanitaires, des otages soignés et malgré l’adversité, la certitude inébranlable en la victoire finale.
La résistance contre l’oppression est un droit présent dans la déclaration universelle des droits de L’Homme de 1789, la mener à son terme permet d’assurer tous les autres droits réunis : Le droit à la vie, à la sureté, au développement, à la santé, à la libre circulation, etc. Le blocus et les restrictions israéliennes ne font que renforcer la nécessité de la résistance armée devant l’échec des voies pacifistes.
Les palestiniens ont gagné le monopole du cœur avec leurs grands cœurs, ils se sont bien occupés des otages, ils les ont soignés et quelques-uns ont été libérés pour des raisons humanitaires, et ils ont promis de libérer les étrangers détenus sans contrepartie, bien loin des exactions israéliennes qui détruisent des blocs d’habitations civils, tuent sans distinction enfants, femmes, hommes, journalistes et vieux. 8000 morts déjà, 1500 disparus sous les décombres et un nombre phénoménal de blessés graves et légers. Depuis presque trois semaines, chaque jour se termine par des massacres à croire qu’ils veulent tous les liquider.
Sur le plan militaire, ils ont mis à terre le mythe de l’armée infaillible. Israël qui a vaincu trois armées arabes qui menaçaient son existence en six jours en 1967, peinent aujourd’hui à arrêter les roquettes. Même Tel-Aviv n’est pas épargné, le noyau administratif de l’entité sioniste est touché par des roquettes par intermittence. Des officiers pris en otages, des soldats à terre, 1500 morts. Trois semaines est le pays est presque paralysé. Trois semaines et au moins 120 000 Israéliens déplacés des environs de Gaza et de la frontière nord.
La roue tourne et cette fois, elle est clairement du côté palestinien. Le ballet des hauts dirigeants du bloc occidental, Amérique en tête, qui viennent visiter et apporter un soutien inconditionnel, est révélateur de l’angoisse de voir perdre un allié en Orient. Le président de la France Emmanuel Macron cherche même à créer une coalition visant à combattre le Hamas qui aurait cru cela un mois auparavant.
Dans les années 70, un grand responsable de l’armée israélienne se targuait de pouvoir occuper le Liban avec une unité musicale de l’armée et un peu d’infanterie. En 2006, ils ont enclenché une vaste incursion militaire au Liban après la prise d’otage de deux soldats par le Hizboallah. En 2023, plus de 200 otages pris par des militants de la résistance palestinienne, et durant trois semaines, ils n’ont pas encore pu faire une percée décisive dans le territoire de Gaza pour les libérer.
Israël est au bord du précipice n’est pas une image amplifiée. Dans les précédents conflits, le front interne demeurait indemne et sans risque d’embrasement, maintenant presque toute Israël vit dans la crainte et au rythme des sirènes de sécurité. La peur vient du sud, du nord et de l’est, de partout. Les roquettes semblent ne pas avoir de limites. Il faut constamment être à côté des abris. Beaucoup de binationaux ont choisi d’autres cieux provisoirement mais ils pourraient bien rester indéfiniment.
Les palestiniens ne sont pas les indiens d’Amérique. Ils sont porteurs d’une civilisation millénaire, et d’une détermination sans failles. L’hécatombe des têtes qui s’écrasent sous les gravats des bâtiments détruits par les bombes étasuniennes données gracieusement à l’armée de Tsahal, pourraient bien encore donner lieu à une légitimation d’une résistance encore plus féroce.
A présent, il est dans l’intérêt d’Israël d’œuvrer pour mettre en place un Etat palestinien rapidement et pleinement souverain pour le peuple palestinien, mais j’ai bien peur qu’il soit déjà trop tard.


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