Tentatives d’assauts sur Sebta : Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
Par Abdelhak Najib
Chaos. C’est le mot qui se rapproche le plus de ce qui se passe à Fnideq depuis plus de 48 heures. Des scènes de chasse à l’homme, des poursuites, un dispositif sécuritaire impressionnant et des centaines de jeunes et d’enfants qui ont décidé de prendre d’assaut l’enclave de Sebta.
Une situation qui a dégénéré en affrontements entre les forces de l’ordre et les migrants qui ont répondu aux arrestations de la police par des jets de pierres faisant plusieurs blessés dans les rangs de la police. Pour les riverains, c’est l’anarchie qui règne à Fnideq depuis trois jours, avec des groupes de jeunes qui se sont réunis dans de nombreux quartiers pour marcher sur la frontière espagnole. Venus de plusieurs villes marocaines, ces jeunes se sont retrouvés sur place après plusieurs appels qui ont circulé sur les réseaux sociaux, avec ce mot d’ordre : passer de l’autre côté du poste frontière et atteindre le premier bastion européen, enclavé au Maroc. Sur place, la police a quadrillé toute la zone pour empêcher les candidats à l’immigration de mettre leur plan à exécution. Ce qui a opposé deux fronts qui ne se sont pas fait de cadeau, puisque selon les autorités, on compte des blessés dans les deux camps, avec une véritable psychose dans toute la région frontalière à Sebta.
Le premier constat est que l’assaut sur Sebta a été avorté de justesse semant la panique générale des deux côtés. Ensuite, les forces de police ont procédé à déloger les assaillants en les conduisant à dans d’autres villes, loin du Nord du pays pour réduire les groupements et pouvoir contenir cette marée humaine de idée a en découdre, coûte que coûte. Des sources proches des autorités sur place ont confirmé l’arrestation de 40 individus, accusés de jets de pierres et d’incitation à l’immigration clandestine. Avec plus de mille personnes qui auraient été interpellées et expulsées ces dernières 48 heures.
Et ce n’est pas fini, puisque l’état d’alerte reste de mise en place pour éviter toute escalade à un moment où les appels à l’immigration clandestine se multiplient sur les réseaux sociaux incitant des enfants à partir de chez eux pour gagner l’Espagne de force.
Au-delà des violences, cette situation arrive à un moment où Rabat et Madrid ont retrouvé leurs excellentes relations et ont entamé un nouveau chapitre de collaboration. Ce qui pose encore une fois l’équation insoluble de l’immigration massive comme problème majeur à résoudre des deux côtés du détroit.
Dans ce contexte de tension, il faut essayer de comprendre les pourquoi d’un tel chaos qui a subitement submergé toute la région frontalière avec l’Espagne. En premier lieu, il faut voir comment l’Algérie traite ces tensions entre migrants et forces de l’ordre. Ce sont de véritables appels à la révolte qui fusent dans les médias algériens jetant de l’huile sur le feu dans des tentatives assumées de semer le trouble chez le voisin marocain surtout après la reprise des affaires d’envergure entre Rabat et Madrid. Un rapprochement au détriment d’Alger qui perd sur tous les tableaux face au Maroc.
Ensuite, il y a la situation économique et sociale très difficile au Maroc pour des millions de familles marocaines qui ont basculé dans la précarité face à la cherté de la vie, à la flambée des prix et au manque de débouchées dignes pour une grande partie de la jeunesse marocaine en proie au chômage, aux drogues et a l’embrigadement religieux sans espoir de s’en sortir face à des horizons bouchées et opaques.
Une situation exacerbée par l’attitude du gouvernement qui répond au malaise social par le silence ou en détournant le regard ou alors en brandissant des cartes recyclées comme le football pour calmer les masses. Briller dans les sports, c’est bon, mais ça met pas de nourriture sur la table. Les jeunes ont besoin de travail, de moyens pour vivre et surtout d’étudier. Car, on y arrive, la majorité des jeunes qui se sont retrouvés à Fnideq sont des enfants qui doivent être à l’école. Ce qui pose encore une fois la question du fiasco du système scolaire marocain qui n’arrive pas à retenir les enfants et à leur faire entrevoir la possibilité d’un avenir meilleur. Il ne faut pas oublier que ces tentatives d’assauts sur Sebta coïncident avec la rentrée scolaire. Pourtant, des gamins sont prêts à risquer leur vie que d’aller en classe. C’est que la situation est sérieuse et exige des solutions concrètes et efficaces et non de simples effets de manche et des slogans pour les médias. Cet épisode de Fnideq arrive à un moment où le gouvernement marocain doit prendre ses responsabilités et monter au créneau pour parler à toute cette jeunesse désespérée qui ne rêve que d’une chose : ficher le camp sous d’autres cieux.