Tajnid 2025 : Un algorithme au service d’une conscription plus équitable

LA VÉRITÉ
Discrètement mais résolument, le Maroc est en train de réformer l’un de ses dispositifs les plus emblématiques : le service militaire obligatoire. À l’occasion de la campagne de recensement 2025, les autorités ont introduit un algorithme de sélection inédite, censé garantir plus d’équité, de neutralité et de transparence dans l’appel des jeunes citoyens au service national. L’enjeu est de taille : il s’agit non seulement de moderniser l’institution du tajnid, relancée en 2019, mais aussi de renforcer sa légitimité sociale auprès d’une jeunesse souvent sceptique ou résignée.
Une réforme engagée discrètement mais résolument
La réforme repose sur un principe simple mais novateur : éliminer toute intervention humaine dans le processus de sélection. Concrètement, un algorithme mis en place par la Direction générale des affaires intérieures du ministère de l’Intérieur traite les données démographiques et territoriales pour établir, de manière aléatoire mais équilibrée, les listes des jeunes appelés. Le système prend en compte des critères objectifs tels que l’âge, le sexe, la localisation géographique, et assure une répartition équitable entre les différentes régions, provinces et préfectures du Royaume. Ce mécanisme, selon les responsables, met fin aux soupçons de partialité, de piston ou de discrimination régionale, qui ont longtemps pesé sur l’image du service militaire.
La supervision de ce nouveau dispositif a été confiée à une Commission centrale du recensement présidée par un magistrat de la Cour de cassation, et composée de représentants de plusieurs départements ministériels, des Forces armées royales, de la DGSN, de la Gendarmerie, mais aussi de membres du Conseil national des droits de l’Homme.
Une commission pluraliste supervise le nouveau dispositif
Une configuration pluraliste qui vise à garantir l’indépendance, l’objectivité et la rigueur du processus. À l’issue d’une réunion tenue le 17 avril 2025, les listes arrêtées par l’algorithme ont été transmises aux services locaux pour impression et distribution des convocations. Les jeunes âgés de 19 à 25 ans sont invités à répondre à cet appel en remplissant un formulaire, accessible à la fois physiquement et sur le portail en ligne www.tajnid.ma. Les autorités ont également réaffirmé l’ouverture du service militaire aux volontaires, y compris ceux établis à l’étranger, à condition qu’ils soient inscrits auprès des consulats du Royaume.
Fait notable cette année : la possibilité de convoquer également les jeunes de plus de 25 ans, déjà recensés lors des précédentes campagnes entre 2019 et 2024. Cela permet d’élargir le vivier des appelés selon les besoins exprimés par les Forces armées royales, notamment en fonction des capacités d’accueil des centres de formation. Depuis la reprise du tajnid, environ 20 000 jeunes sont mobilisés chaque année pour une durée d’un an, répartie entre instruction militaire, formations professionnelles et accompagnement à l’insertion. Le service militaire n’a plus vocation à alimenter directement les rangs de l’armée, mais plutôt à servir de tremplin vers l’emploi ou vers d’autres carrières publiques, notamment dans les domaines de la sécurité, de l’administration ou des métiers techniques.
Un engagement fort du roi Mohammed VI
Dans un discours adressé aux Forces armées royales, le roi Mohammed VI a réaffirmé son attachement à ce programme qu’il qualifie de “chantier national structurant”. Il a insisté sur les valeurs fondamentales que le service militaire doit transmettre aux jeunes générations : discipline, rigueur, esprit de responsabilité, persévérance et sens du devoir. Loin d’être une simple contrainte, cette expérience est présentée comme un levier d’épanouissement personnel et de renforcement du tissu social, dans un pays où le taux de chômage des jeunes dépasse les 30 % dans certaines zones urbaines. Plusieurs témoignages d’anciens conscrits confirment d’ailleurs que cette parenthèse, parfois redoutée, s’est révélée déterminante pour leur parcours.
Le défi, désormais, sera d’asseoir durablement cette dynamique et d’en faire un modèle de référence. En misant sur la technologie pour renforcer l’équité, le Maroc veut tourner une page marquée par la défiance et ouvrir un nouveau chapitre où le service militaire redevient un pilier du pacte républicain. L’algorithme, dans ce contexte, n’est pas un simple outil de gestion : il devient un symbole de justice, une promesse de transparence, et une boussole pour une jeunesse en quête de repères.