Sommet des BRICS à Rio : Xi et Poutine absents, le multilatéralisme à l’épreuve

Par Fayçal El Amrani
Les BRICS se retrouvent cette année à Rio de Janeiro dans une atmosphère incertaine, presque suspendue, alors que le monde traverse une période de recomposition stratégique et économique. La réunion, prévue les 6 et 7 juillet, devait être un moment de consolidation pour ce forum de plus en plus étendu, mais elle est marquée par deux absences majeures : celles du président chinois Xi Jinping et de son homologue russe Vladimir Poutine. Un double vide qui fragilise autant la dynamique interne du groupe que l’image qu’il souhaite renvoyer au reste du monde.
L’absence de Xi Jinping, officiellement justifiée par un « conflit d’agenda », a été perçue comme un signe de distance volontaire, voire de méfiance, vis-à-vis d’un forum devenu plus imprévisible depuis l’élargissement à onze membres. Du côté de Moscou, l’absence physique de Vladimir Poutine était attendue. Le président russe intervient par visioconférence. Mais l’effet reste le même : sans ses deux principaux moteurs politiques et militaires, le BRICS version 2025 apparaît déséquilibré, voire affaibli.
Trump, le dollar et la menace d’une guerre tarifaire
La pression extérieure vient principalement des États-Unis. À la veille de l’échéance du 9 juillet, Donald Trump menace de frapper les BRICS de tarifs douaniers punitifs allant jusqu’à 100 %, en représailles à leur volonté de contourner le dollar dans leurs échanges. Cette stratégie de « dédollarisation », longtemps théorique, est devenue un axe concret du sommet, dans un contexte où la souveraineté monétaire est désormais considérée comme une arme de puissance.
Face à cette posture offensive de Washington, le sommet devrait se conclure sur un communiqué final modéré, évitant toute provocation directe. Mais en coulisses, la volonté de réduire la dépendance au dollar fait l’objet de discussions techniques avancées entre les banques centrales des BRICS.
Les débats économiques ne peuvent être détachés des tensions géopolitiques du moment. L’Iran, membre à part entière depuis 2024, espère obtenir une condamnation explicite des récentes frappes israélo-américaines sur son territoire. Mais comme souvent dans les BRICS, l’absence de consensus freine l’ambition politique. Il est peu probable que la déclaration finale nomme directement les auteurs des attaques, malgré la pression iranienne.
Sur le front ukrainien, la guerre continue d’envenimer les relations internationales. Moscou cherche à faire entendre sa version des faits depuis Rio, tandis que Trump peine à imposer un cessez-le-feu crédible, malgré ses efforts diplomatiques affichés. Le sommet évite soigneusement de faire de cette guerre un point central, mais l’ombre du conflit plane dans les échanges officiels.
Les BRICS face à eux-mêmes
Au-delà des questions immédiates, le groupe doit répondre à une interrogation existentielle : peut-il réellement peser dans la gouvernance mondiale alors qu’il peine à accorder ses violons sur les grandes réformes internationales ? L’échec des négociations d’avril sur l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies – notamment en raison des désaccords entre membres anciens et nouveaux – illustre les fractures internes. L’unité affichée est souvent de façade, derrière laquelle se cachent des intérêts divergents.
Malgré tout, les BRICS représentent un espace stratégique unique dans un monde en transition. Avec près de la moitié de la population mondiale, des ressources naturelles considérables et une influence croissante dans les chaînes de valeur globales.