Royaume-Uni : L’extrême droite poursuit son ascension

Par Abdelghani AOUIFIA
Reform UK, un parti d’extrême droite, poursuit sa montée en force sur la scène politique du Royaume-Uni jusque-là épargné par la vague nationaliste qui déferle sur certains pays d’Europe.
Des sondages réalisés récemment confirment cette ascension qui pourrait conférer à cette formation un rôle charnière lors des prochaines échéances électorales du pays. Selon ces études, le parti travailliste du Premier ministre Keir Starmer, arrivé au pouvoir suite à une victoire spectaculaire lors des élections législatives de juillet dernier, a beaucoup perdu de son soutien auprès d’un électorat exacerbé notamment par un discours peu optimiste du gouvernement au sujet de l’état de santé de l’économie.
Selon un sondage réalisé la semaine dernière, le labour perdrait 200 sièges si de nouvelles élections étaient organisées en cette période. Pas moins de 67 sièges pourrait aller au parti de Reform. En effet, Reform continue, depuis le retrait britannique de l’Union européenne en 2020, de gagner du terrain, profitant surtout de l’affaiblissement du parti conservateur, sanctionné lors du scrutin de l’été dernier après 14 années au pouvoir. Dirigée par Nigel Farage, cette formation héritière de l’ancien UKIP (UK Independence Party) se pointe désormais à la troisième position dans les intentions de vote des Britanniques avec 22% juste derrière les Tories, deuxièmes avec 25%.
Dans un climat d’incertitude nourrie par la crise liée au surenchérissement du coût de la vie, le parti Reform devra continuer à réaliser des percées, estiment les analystes, dont john Curtice, professeur de politique à l’Université de Strathclyde (Ecosse). Outre la crise économique, le parti capitalise sur le sentiment nationaliste, attisant les craintes par rapport à des questions pressantes pour les Britanniques, dont l’immigration. Les émeutes anti-immigrés qui ont secoué le pays l’été dernier suite au meurtre de trois fillettes dans la ville de Southport (nord), ont révélé la gravité de la menace du discours d’extrême droite.
Reform est « très efficace pour exprimer ce sentiment de mécontentement et ce manque de progrès » dans l’arène politique, explique le professeur Curtice, spécialiste de l’analyse des sondages d’opinion. Le parti europhobe surfe, en effet, sur la vague d’incertitude dans le pays. Une incertitude qui accentue les pressions sur le Premier ministre travailliste, confronté à des défis de taille notamment la réforme du système national de santé en difficulté et la maîtrise des flux de migrants clandestins qui traversent la Manche à destination de l’Angleterre.
L’année qui commence sera décisive pour le Labour, qui sera devant un sérieux test avec les élections locales, prévues dans le pays au mois de mai, indiquent les analystes. Reform, de son côté, appréhende cette échéance comme « une opportunité » pour confirmer son ascension. Le parti ambitionne de récupérer les votes contestataires dans les deux camps travailliste et conservateur, en capitalisant sur les frustrations des votants.
Nigel Farage a récemment annoncé que Reform, qui avait récolté plus de 14% des suffrages aux législatives de juillet dernier, a surclassé le parti conservateur en nombre d’adhérents pour devenir la deuxième formation politique du pays. Selon un compteur en ligne disponible sur le site internet du parti, Reform compte plus de 133.000 adhérents, contre les 131.680 adhérents du parti conservateur.
« C’est un moment historique », jubile Farage, figure emblématique du Brexit, devenu député lors des dernières élections législatives après avoir échoué à se faire élire à sept reprises. Farage ne cache plus ses ambitions. Dans un message à l’occasion du Nouvel An, il a souligné que son parti continuera sa montée en force en 2025, promettant de faire campagne en faveur notamment d’« un contrôle approprié des frontières ».
Devant la montée de l’extrême droite, M. Starmer semble avoir compris les appels l’invitant à adopter un discours plus optimiste après des mois de messages négatifs sur l’état de l’économie, qui, selon certains économistes, ont contribué à une croissance beaucoup plus faible que prévu. Dans un message à l’occasion du Nouvel An, M. Starmer, a promis de faire de 2025 l’année de « reconstruire » la Grande-Bretagne.
« C’est sur cela que nous allons nous concentrer : une année de reconstruction. Mais aussi, redécouvrir la grande nation que nous sommes, une nation qui fait avancer les choses, quelles que soient les difficultés », a-t-il dit. Cependant, les analystes estiment qu’au-delà de la communication, M. Starmer a besoin de présenter des réalisations concrètes pour montrer et surtout rassurer qu’il est capable de tenir ses promesses, et, partant, préserver la réputation du Royaume-Uni comme « une exception » dans un environnement marqué par la montée de l’extrême droite.