[ after header ] [ Mobile ]

[ after header ] [ Mobile ]

Réseaux sociaux et société marocaine : Il n’y a pas plus grand danger que la stupidité

C’est en lisant un texte du grand scientifique Carl Sagan, que je tombe sur cette phrase qui résume la situation actuelle dans nos sociétés, et plus particulièrement, dans la société marocaine. Carl Sagan dit ceci : « Rien ne me perturbe davantage que la glorification de la stupidité ». Une saillie dite dans les années 70 du siècle dernier, aux États-Unis, bien avant la braderie de la bêtise en quantités industrielles, tel que nous le vivons aujourd’hui.  Ayant traité ce sujet de la place qu’occupe aujourd’hui la stupidité glorifiée au cœur de la société marocaine, je me suis penché sur ce que lesdits réseaux sociaux nous ont révélé sur cette question en levant le voile sur une société versée dans la futilité, la banalité, la médiocrité, la bêtise heureuse et la stupidité célébrée en groupes, en communautés et en corporations. Travaillant sur le sujet pour les besoins d’un livre prochain, j’ai énuméré les sujets majeurs traités par plus de 90% des adeptes de ces réseaux à haut débit. J’en ressors avec ce constat, qui a d’ailleurs, été également fait par d’autres chercheurs marocains et arabes, sans parler d’autres scientifiques du reste du monde, qui ont, tous, abouti aux mêmes conclusions. En ce qui concerne nos concitoyens marocains, une très large majorité, écrit, partage et commente à outrance du contenu sur le sexe et la pornographie. C’est là un sujet majeur de discussions directes, avec ou sans voile, en privé ou devant tout le monde, sans filtre aucun, avec l’usage d’un lexique ordurier et crapuleux, surtout ceux et celles qui se vantent d’être des adeptes du commerce de la chair pour s’enrichir, devenir célèbres et inciter les autres à suivre leur exemple. Oui, sur les réseaux de nombreux marocains et marocaines font l’apologie de la prostitution et du sexe tarifé en s’érigeant en exemples à suivre pour les plus jeunes. Imaginez l’impact sur de jeunes filles, à peine pubères, qui vont voir telle ou telle figure leur dire que pour gagner sa vie, il n’y a rien de tel que de vendre son corps, de recourir à la chirurgie esthétique pour avoir des attributs sexuels attirants et de se lancer dans un commerce juteux. Les contenus de ce type sont très nombreux et abondamment partagés par un nombre incalculable de personnes. Il suffit de prendre 10 minutes pour naviguer sur ces réseaux et voir toute l’ampleur du phénomène. Ceci pour la réclame ouverte du sexe et de ses dérivés. Passons maintenant au charlatanisme. C’est l’un des sujets phares du Net au Maroc. Des recettes pour gagner des sous, pour devenir milliardaires, des conseils, avec ingrédients détaillés à l’appui pour attirer un tel, éloigner un autre, fermer le clapet à une rivale, jeter un sortilège à un ennemi, aveugler son patron, le manipuler pour obtenir des faveurs, fermer la gueule d’un mari jaloux, rendre jaloux un mari qui s’en fout, détruire la vie d’une amie, faire déguerpir Satan et ses suppôts, nettoyer la maison des mauvaises énergies, éloigner certains, leur foutre la vie en l’air, faire de leurs existences un enfer à ciel ouvert, sans parler de la capacité de ces experts en affaires de l’au-delà de vous rendre les plus heureux du monde, de régler tous vos problèmes, de vous servir de psychiatre et de thérapeute, de vous garantir la félicité, l’argent, l’amour et la prospérité ad vitam aeternam. Rien que cela ! Après le sexe, les diseurs et diseuses de bonne aventure, les cartomanciennes, les astrologues, les experts en Jinns et autres créatures des ombres. Et ce n’est pas fini. Le troisième sujet favori de la communauté des internautes au Maroc, c’est les commérages, les Gossip, ce que l’on nomme dans notre chère société « Tberguig », la curiosité malsaine, se mêler de la vie des autres, rapporter des faits et des fausses-vérités, colporter des ragots, inventer de vraies fausses informations sur le compte des uns et des autres, salir des réputations, s’acharner, insulter, invectiver à satiété. C’est pratiquement un sport national. Tout le monde y va de son cru. Tout le monde en veut à tout le monde. À voir la quantité industrielle de ces contenus et les réactions suscitées, on prend du coup le pouls d’une société où la haine des autres est ancrée dans les us et coutumes. C’est hallucinant comment les gens peuvent se détester et se déclarer des guerres à couteaux tirés ! Tout un arsenal de ressentiment, d’amertume, d’aigreur, de rancune maladive, de jalousie pathologique, qui est déversé en flux tendu sur ces réseaux dits sociaux entre des gens qui veulent s’étriper et qui veulent le faire savoir au monde entier. Certaines scènes donnent froid dans le dos tant la haine est terrible, profonde, sincère et implacable. Voici pour le Top 3 des thèmes qui occupent et préoccupent une large frange de la société marocaine. Mais il y en a d’autres, tout aussi croustillants. D’abord cette inclination naturelle à faire l’apologie de la médiocrité et de la bêtise dans ce qu’elles ont de plus vile et bas. Quand on suit ce que des millions de Marocains partagent sur ces réseaux, on se rend compte du degré du sous-développement de notre société, déchirée entre courants rétrogrades qui s’adonnent, avec ferveur et assiduité, à toutes les expressions de la stupidité dans ce qu’elle de plus crade. Ce sont des millions de posts qui ne veulent rien dire, qui ne servent à rien, même pas à tuer le temps, comme si en termes de temps on en avait en débit illimité. Cela atteint de telles proportions qu’il y a des communautés spécialisées dans la diffusion de la connerie en grande quantité. Pire, il y a aussi des millions d’autres qui ne peuvent plus se passer de ces contenus débiles et qui en redemandent, ce qui encouragent d’autres à se spécialiser faisant ainsi grossir les rangs de toutes ces corporations dédiées au partage de la bêtise humaine dans ce qu’elle a de plus misérable. Passer des journées entières à ne faire que cela, et appeler ceci une vie ! Quelle misère !  Et ce n’est pas fini. Il y a aussi ceux qui se consacrent exclusivement à montrer aux autres ce qu’ils mangent, comme s’ils venaient à peine de découvrir la nourriture. Quel besoin et quel intérêt de montrer toute cette boustifaille, comme si nous étions tous des crève-la-faim, alors que la décence devrait nous obliger à respecter la précarité de plusieurs millions de nos concitoyens qui n’ont rien à mettre sur la table, et qui voient tout cet étalage malsain et insolent de mangeaille comme un affront, comme une insulte à leur condition sociale. Sans oublier tous ceux qui, avant d’aller faire un geste de bienfaisance, se débrouillent pour avoir des caméras pour filmer l’action et la diffuser sur la toile. Quand on veut faire du bien, on le fait dans la discrétion et on ne montre pas à qui on l’a fait. C’est petit. C’est mesquin. C’est mal élevé et ringard. C’est dans cette catégorie qu’entre tous ceux qui ont fait un peu d’argent et qui veulent le crier sur tous les toits. Et vas-y avec des posts montrant des liasses de billets, affichant la dernière montre, les kilogrammes d’or qu’on a achetés, les bagnoles qu’on s’est offertes, les gadgets et autres objets pour verser dans la surenchère entre nouveaux riches ! Chacun veut en mettre plein la vue aux autres. Et chacun emploie une armée de suiveurs qui le soutiennent et font circuler le pactole amassé d’on ne sait où. Et puis il y a tous ceux qui ne peuvent partager que des catastrophes horribles. Encore une fois, quel besoin de partager des accidents, des cadavres, des morts, des blessés, des carnages ! Et quelle vie passée à ne voir que le sang et la mort ! Et le pire, c’est qu’une grande partie des affiliés aux réseaux raffolent de ces contenus macabres. À toute cette panoplie, il faut ajouter toutes celles et ceux qui inondent la toile avec des vidéos de leur arrière-train. Rien d’autre que de la fesse qui bouge dans tous les sens ! Et ces personnes qui se filment en action ressemblent à des détraqués, à des espèces d’entités bizarres qui font des gestes et des simagrées absurdes et aberrantes. Nombre de vues ? Des millions. Pareil pour certaines figures marocaines qui vivent de selfies. Toujours la même posture guindée et coincée. Les mêmes rictus. Les mêmes regards. Les mêmes moues, avec des lèvres remplies de substances douteuses, sans parler des visages remodelés dans tous les sens. Dans cette catégorie, il faut citer toutes ces « célébrités » qui vivent gratis, qui mangent gratis, qui s’habillent gratis, qui voyagent gratis, qui se font offrir des accessoires gratis, des cas gratis, des pompes gratis, des bijoux gratis, des bagnoles gratis… Et qui le montrent à tous ceux qui n’ont rien, ni gratuit ni tarifé ! Et la liste de ces dérives sur les réseaux dits sociaux est longue, avec des aberrations incroyables, dans une société marocaine, qui est passée du moyen-âge à l’intelligence artificielle ! Un bond dans le futur sans le moindre garde-fou. Ce qui nous donne un réel indicateur sur ce qui préoccupe et occupe des millions de Marocains, qui se foutent complètement de tout ce qui n’est pas le cul, les histoires de fesses, le fric, la vie des gens, la superstition, la connerie en barre, la bouffe, les commérages, les mauvaises nouvelles, le sang et le crime. Une attirance et une inclination au morbide qui en dit long sur l’essence de cette société dont les valeurs ont été bradées et troquées pour de nouveaux credos hérités de l’ère du tout digital et virtuel.


À lire aussi
commentaires
Loading...
[ Footer Ads ] [ Desktop ]

[ Footer Ads ] [ Desktop ]