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Réorganisation du CNP : entre autonomie et contrôle gouvernemental

Par Yassine Andaloussi


La réorganisation du Conseil national de la presse (CNP) continue de susciter un profond malaise dans le paysage médiatique marocain. Officiellement, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mehdi Bensaid, plaide pour une « autorégulation pleine et entière » du secteur. Dans ses déclarations publiques, il insiste sur la nécessité d’une presse forte, indépendante et responsable. Pourtant, les mesures entreprises par son département traduisent une volonté contraire, celle de maintenir une forme de contrôle politique sur les instances représentatives des journalistes.

Ce paradoxe n’a pas échappé aux observateurs. Lors d’une séance à la Chambre des conseillers, où il devait répondre aux questions des parlementaires sur le devenir du CNP, Mehdi Bensaid a préféré s’éclipser discrètement pendant la pause café. Un départ précipité, interprété par plusieurs conseillers comme une fuite face aux interrogations légitimes du pouvoir législatif. Cet épisode, anecdotique en apparence, illustre une tendance inquiétante, à savoir le refus du débat lorsqu’il s’agit d’aborder des sujets sensibles, touchant à la liberté d’expression et à la gouvernance démocratique.

Depuis plusieurs semaines, la réforme du Conseil national de la presse avance à grands pas, mais sans véritable concertation avec les acteurs du secteur. Syndicats, journalistes et éditeurs se disent écartés du processus. Le discours d’autonomie semble servir de façade, tandis que la pratique administrative et politique renforce le contrôle de l’État. Cette contradiction nourrit la méfiance et alimente le sentiment que l’exécutif cherche avant tout à verrouiller le champ médiatique plutôt qu’à l’émanciper.

En parallèle, le gouvernement s’efforce de montrer patte blanche à travers des chiffres censés démontrer sa transparence. Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a récemment affirmé que « plus de 23 000 questions parlementaires ont reçu une réponse », soit 70 % du total. Une statistique qui, en apparence, traduit un bon niveau d’engagement institutionnel. Cependant, dans la réalité, ces chiffres ne reflètent pas la qualité du dialogue démocratique. Trop souvent, les réponses restent évasives, superficielles ou hors sujet, laissant l’impression d’un gouvernement peu communicatif et peu disposé à rendre des comptes.

La communication gouvernementale, plutôt que d’être un outil de transparence, semble devenue un instrument de défense. À chaque critique, l’exécutif brandit des statistiques, des slogans et des bilans quantitatifs, sans aborder le fond des problèmes. Cette stratégie entretient un fossé croissant entre le pouvoir et les citoyens. Car au-delà des chiffres, ce que les Marocains attendent, c’est de la sincérité, du dialogue et de la responsabilité.

Lorsqu’un ministre refuse de répondre à des questions, il envoie un signal négatif à toute une génération de journalistes et d’observateurs. Cela laisse croire que le gouvernement veut avancer sans se soumettre à l’examen démocratique, préférant imposer sa vision plutôt que de la confronter. Dans un contexte où la presse marocaine cherche à regagner sa crédibilité et son indépendance, cette attitude fragilise les efforts de tout un secteur.

Le Maroc a besoin d’une presse libre, capable de critiquer et de questionner sans crainte. Et il a besoin d’un gouvernement qui accepte cette critique comme un levier de progrès, non comme une menace. La véritable autorégulation de la presse ne peut exister que dans un environnement où la parole est libre, la transparence réelle et le respect mutuel garanti.


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