Ramadan à Rome: Immersion dans la plus grande mosquée d’Europe

Hajar Erraji
Jeudi à 19h… Le train urbain reliant le centre et le nord de la capitale italienne est inhabituellement bondé. Djellaba, Abaya, Qamis, Punjabi… Les costumes sont aussi diversifiés que les dialectes qui se dégagent des wagons. Les convergences ne manquent, tout de même, pas. Munis, unanimement, d’un tapis de prière à décor de niche (mihrab), les passagers de différentes nationalités n’ont qu’un mot à la bouche : “Ramadan Moubarak”. En quête de recueillement, leur destination pour ce premier jour du mois sacré est aussi la même : La grande mosquée de Rome. Immersion dans le plus grand lieu de culte musulman en Europe, où la touche marocaine est bien présente.
A la sortie de la gare de Monte Antenne, située au pied des monts de Parioli, dans la zone de Roma Nord, le paysage est grandiose. Entourée de verdure, la mosquée qui s’étend sur 30.000 m2 s’y impose impérieusement. Minaret perché à 43 m de haut et 17 coupoles décorées par des croissants de lune… Elle transporte, dès la première vue, les centaines de fidèles venus pour la prière de Tarawih dans une ambiance spirituelle.
En terre du Vatican, la transition vers cette atmosphère emprunte de la religion musulmane est, pourtant, harmonieuse. Les murs en travertin et en cuit rosé, des matériaux de construction typiquement romain, équilibrent le cadre. A l’entrée de ce chef d’œuvre de coexistence, des piliers à trois tiges inspirés des pins parasols, arbres iconiques de la capitale italienne, ponctuent, de leur côté, le chemin vers les salles de prière.
A l’appel du muezzin, Hommes et femmes, se précipitent le long de ces couloirs spectaculairement lumineux, grâce à un jeu habile de construction qui permet, ainsi, de répondre au thème de cette mosquée majestueuse ‘’Allah est lumière’’. Le verset coranique est, en effet, présent un peu partout.
Écrit en calligraphie marocaine, il initie le début d’un univers typiquement arabe, avec une touche prononcée du Royaume. C’est, d’ailleurs, l’artiste peintre marocain feu Mohammed Chabaa qui s’est chargé de la décoration, indiqué à la MAP, Abdellah Redouane, le secrétaire général du Centre islamique de Rome, qui abrite et gère la mosquée.
Des lustres et des bandeaux qui courent au sommet des murs minutieusement sculptés au “muqarnas” en plâtre raffinement travaillé, destinés à répartir les poussées des voûtes, passant par la splendeur de la mosaïque marocaine, les salles de prières rappellent le génie du Maallem marocain.
“Des maîtres-artisans sont venus spécialement de Fès pour jeter leur pierre à l’édifice”, fait savoir le responsable du Centre, fondé par six membres, dont le marocain Mohamed El Ghorfi, notant que le rôle du Maroc était “important” pour la conception de ce point de convergence de la communauté musulmane en Italie, qui a également bénéficié de l’aide de plusieurs autres pays.
Le Royaume continue, aujourd’hui, de soutenir le Centre au niveau de la gestion, assure M. Redouane, se félicitant de l’arrivée de plusieurs prédicateurs et récitateurs marocains, qui, grâce à la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, dans la région de Lazio (la région de Rome), animeront des prêches et des veillées religieuses et culturelles, à l’occasion du mois du sacré du Ramadan. Un mois de piété mais également de solidarité.
Avant l’arrivée des fidèles, la mosquée était déjà animée par un grand nombre d’expatriés, en situation difficile ou en quête de convivialité, qui sont venus se regrouper autour de “Maidat Rahman” (table du Miséricordieux) pour un Ftour collectif. “Nous veillons à maintenir ce rituel malgré les coûts élevés”, insiste le SG du Centre, qui abrite dans son immense rez-de-chaussée une école de langue arabe, une salle d’exposition du patrimoine islamique et une autre de conférence dédiée aux rencontres organisées régulièrement pour “promouvoir les valeurs de l’islam et permettre un dialogue interculturel et interreligieux fructueux”.
Selon un quadragénaire marocain, ayant ramené avec lui ses deux fils pour renforcer leur attachement à leur identité, “cette mosquée est notre référence et un lieu idéal pour se rencontrer et se ressourcer”. Pour lui, “c’est une occasion opportune pour transmettre à sa progéniture les principes de notre religion et les pratiques liées à la prière dans des salles qui n’ont rien à envier à celle des mosquées de la “patria” (mère patrie)”.
Après avoir assisté dans la sérénité à la première prière de ce mois béni, les fidèles quittent, dans une quiétude joyeuse, l’enceinte de cette mosquée, qui au-delà de sa fonction de lieu de culte, partagent les moments les plus forts de la communauté musulmane à Rome, notamment le mariage, la circoncision et les funérailles.
Certains se dirigent vers les cafés du centre historique de la capitale, tentant de perpétuer l’ambiance des soirées ramadanesques du pays d’origine, alors que la majorité se rend à domicile pour se préparer à une nouvelle journée de jeûne et de travail.