Quand le vernis craque


C’est un paradoxe presque amer. Alors que le Royaume déploie toute son énergie pour faire de Marrakech la capitale africaine de l’innovation, et que GITEX Africa projette l’image d’un Maroc digital, souverain, connecté au monde, une faille béante vient fissurer ce décor. Une faille numérique, bien réelle, bien marocaine. La fuite de données sensibles de la CNSS n’est pas un simple fait divers informatique : c’est un électrochoc. Une alerte grave sur ce que signifie, concrètement, être un État digital au XXIe siècle.
Car il ne suffit pas de séduire les investisseurs avec des stands bien éclairés, ni de séduire les startups africaines avec de belles promesses. Le numérique n’est pas une scène, c’est une colonne vertébrale. Et lorsqu’elle se brise, c’est tout le corps qui vacille : les institutions, les entreprises, les citoyens. Ce qui a été piraté, ce ne sont pas que des données. C’est un peu de la confiance. Ce mot si fragile, mais si essentiel dans toute transformation digitale.
Ce n’est pas ici le procès d’un ministère, ni d’un opérateur, ni d’une agence. Ce serait trop facile. C’est le moment de rappeler que la souveraineté numérique ne se décrète pas dans les salons internationaux. Elle s’incarne dans des choix budgétaires, dans des infrastructures solides, dans la formation des agents, dans la capacité à anticiper les menaces, à les reconnaître, à y répondre. Et surtout, dans l’humilité de considérer que le progrès ne se mesure pas à la taille d’un événement, mais à la solidité de ses fondations.
Il ne s’agit pas de gâcher la fête. Le Maroc a raison d’être ambitieux, de croire en ses talents, de porter haut ses projets. Mais cette ambition doit marcher sur deux jambes : la vitrine et l’arrière-boutique. Montrer le meilleur, oui. Mais aussi protéger ce qu’on ne montre pas. C’est peut-être cela, désormais, le vrai défi du numérique marocain : ne plus se contenter d’être visible. Devenir fiable.