Projections économiques du HCP pour la fin 2025 : Le Maroc face à la modération et l’espoir
De 5,5% à 4,3% de croissance : L’économie marocaine vise 4,7% de croissance fin 2025, dopée par l’investissement et l’Europe. Décryptage des chiffres du T3 2025 du HCP.
Par Mohammed Taoufiq Bennani
Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a publié le 14 octobre 2025 sa note détaillée sur la conjoncture nationale. Après une performance éclatante au printemps, le Maroc s’attend à une phase de modération avant une légère reprise en fin d’année. L’économie nationale, qui a connu son rythme de croissance le plus élevé depuis la phase de rattrapage post-Covid en 2021, navigue désormais entre la persistance d’une forte demande intérieure et les contraintes d’un environnement international moins favorable. Cet examen des trimestres deux, trois et quatre de 2025 offre une vision nuancée des forces et faiblesses structurelles du Royaume.
La croissance du t2-2025, un pic post-covid
Le deuxième trimestre 2025 restera marqué comme une période d’essor spectaculaire pour l’économie marocaine. Le pays a affiché une croissance robuste de 5,5 %. Cette performance remarquable s’est accompagnée d’une relance étendue à l’ensemble des branches d’activité.
En effet, les industries manufacturières et extractives, la construction ainsi que l’hébergement ont joué un rôle moteur, assurant près de 40 % de la croissance économique globale. Cette accélération a été particulièrement stimulée par un redressement plus soutenu qu’attendu des exportations, affichant une progression de +8,5 %, ainsi que par une demande intérieure nettement mieux orientée, en hausse de +9,2 %. Par conséquent, la vigueur soutenue de la demande intérieure a entraîné une progression significative du volume des importations de biens et services, s’établissant à +15,7 % au cours de ce trimestre.
La demande intérieure en soutien face au frein externe
Le troisième trimestre 2025, quant à lui, a connu une modération de la croissance, le Produit intérieur brut (PIB) global n’aurait progressé que de 4,3 %. Cette décélération s’explique principalement par un environnement international moins favorable.
Parallèlement, la valeur ajoutée primaire se serait légèrement affermie, tandis que celle des autres activités aurait été orientée à la hausse, mais à un rythme plus modéré. L’activité des branches secondaires a notamment reflué à +4,4 % en variation annuelle, contre +7,4 % au trimestre précédent.
Cependant, le soutien de la demande intérieure s’est maintenu, jouant un rôle crucial en contribuant pour 8 points à la croissance trimestrielle. En revanche, le commerce extérieur a continué d’exercer un impact contraignant sur la croissance économique. Ainsi, les importations, bien qu’en légère décélération, ont crû plus rapidement que les exportations, contribuant à l’accentuation du déficit commercial et à une contribution négative de -3,7 points sur la croissance.
Modération et apaisement des prix à la consommation
L’une des nouvelles les plus significatives pour les ménages réside dans la nette modération des tensions inflationnistes. Au troisième trimestre 2025, les prix à la consommation ont augmenté à un rythme bien plus tempéré qu’en début d’année, s’établissant à seulement +0,4 % en variation annuelle. Cette évolution a été favorisée par une faible hausse des prix des produits non-alimentaires (+0,3 %) et une stabilisation de la progression des prix alimentaires à +0,7 %.
En effet, le léger ralentissement des prix non-alimentaires a été principalement entraîné par la poursuite de la baisse des prix de l’énergie, laquelle s’est établie à -2,7 %. Ce repli est le reflet d’une diminution de 8,8 % des prix des carburants. Néanmoins, malgré cette modération globale, le HCP relève que certains postes, notamment les produits alimentaires frais, et particulièrement les légumes, ont affiché des hausses de prix importantes et persistantes depuis le début de l’année. L’inflation sous-jacente, qui exclut les éléments volatils, a ralenti à +0,8 %.
Les dynamiques soutenues de l’investissement et de la consommation des ménages
Le maintien de la demande intérieure s’explique par la vigueur de la consommation des ménages et la poursuite de l’effort d’investissement.
L’investissement a poursuivi sa progression à un rythme soutenu, s’établissant à 14,2 % au T3-2025. Cette dynamique a été tirée par le renforcement des projets d’infrastructure et la reprise du bâtiment. Pour le quatrième trimestre, cette progression devrait se maintenir, quoiqu’à un rythme légèrement plus modéré de 12,6 %, principalement tirée par la hausse des dépenses d’équipements des sociétés non financières et le renforcement des investissements publics.
De même, la consommation des ménages a continué de s’affermir (+4,1 % au T3-2025). Cette amélioration s’explique par l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions des mesures budgétaires pro-ménages, notamment la deuxième tranche de l’augmentation des salaires des fonctionnaires.
Par ailleurs, cette tendance favorable devrait se poursuivre au T4-2025, avec une croissance anticipée de la consommation des ménages de 4,4 %. Le pouvoir d’achat des ménages bénéficierait de la revalorisation des salaires publics et privés ainsi que des gains liés à l’impôt sur le revenu.
Un rebond conditionné par l’Europe en perspective
L’économie nationale devrait enregistrer une légère accélération au quatrième trimestre 2025, avec une croissance projetée de 4,7 %. Cette reprise est étroitement liée à l’amélioration de l’environnement extérieur.
Selon le HCP, « Les perspectives de la demande étrangère sont mieux orientées comparativement au trimestre précédent, du fait notamment des effets attendus de la détente progressive des taux d’intérêt sur la consommation et l’investissement en Europe ».
De plus, des facteurs positifs internes sont identifiés, susceptibles d’améliorer les perspectives du secteur secondaire. Les exportations manufacturières pourraient se révéler plus dynamiques que prévu, notamment celles des filières chimiques, électriques et d’équipement. Cette évolution serait stimulée par les effets anticipés de l’entrée en vigueur, dès février 2026, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM).
Toutefois, le scénario de croissance du HCP demeure soumis à des aléas, orientés globalement à la baisse. Les prévisions n’intègrent pas les répercussions d’un éventuel changement de comportement des entreprises exportatrices, qui pourraient s’orienter vers un déstockage plus important si les effets de la politique monétaire tardent à se manifester sur la demande intérieure en Europe et aux États-Unis.
Le Maroc a démontré sa capacité à générer une croissance significative au milieu de l’année 2025, grâce à la robustesse de sa demande intérieure et à l’apaisement des pressions inflationnistes. Après un pic de 5,5 % au T2, suivi d’une modération à 4,3 % au T3 en raison des difficultés commerciales, l’économie semble prête pour une légère accélération à 4,7 % au T4, soutenue par les espoirs d’une reprise européenne. Les mesures pro-ménages et les investissements publics ancrent solidement la trajectoire interne. En somme, la seconde moitié de 2025 est caractérisée par une dépendance accrue au scénario international.
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