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Littérature et transmission de valeurs dans le monde d’aujourd’hui

Intissar Haddiya*


La création littéraire est une forme d’expression artistique qui joue un rôle indéniable dans la transmission des valeurs au sein d’une société. À travers la poésie, le roman, le théâtre et d’autres formes littéraires, les écrivains peuvent véhiculer des idées, des croyances et des principes fondamentaux qui façonnent la vision du monde, les valeurs d’une culture voire d’une société.

Aussi, le texte littéraire plus que tout autre art, est constamment traversé aussi bien dans sa forme que dans ses contenus par les questions de valeurs. Car ce qui fait l’essence de la littérature est son rapport au réel et sa capacité à émouvoir et à transmettre des pensées, à travers les rôles qu’elle joue. En étant miroir de la société qui l’a vu naître, le texte littéraire raconte des réalités sociales, capture les complexités de l’expérience humaine ainsi que ses nuances.

À travers intrigues et personnages, les auteurs explorent les valeurs qui régissent la société. Les romans réalistes du XIXe siècle, tels « la comédie humaine » de Balzac ou les œuvres Dickens dépeignaient souvent les inégalités sociales et les injustices de l’époque, suscitant une prise de conscience collective et aspirant à contribuer un tant soit peu à un changement social positif.

La création littéraire va au-delà de la simple représentation de la culture dont elle émane et véhicule des valeurs universelles qui transcendent les frontières matérielles et temporelles. À juste titre, les contes ont souvent été utilisés pour transmettre des valeurs morales fondamentales de génération en génération, enseignant la justice, l’honnêteté et la compassion.

 

Toutefois, la littérature est un exercice de liberté et ne peut être cantonné à un simple instrument au service de la morale collective. Le considérer ainsi c’est méconnaitre la spécificité de la production littéraire. Car, la raison d’être du texte littéraire n’est pas la finalité morale pratique. La force de la littérature est, au contraire de susciter une expérience originale en nous confrontant à l’altérité, élargissant les horizons, en se dédouanant de la banalité du conformisme…

De plus, la littérature est un véritable outil de critique sociale et politique. Les écrivains utilisent souvent leur plume pour remettre en question les normes établies, défier les référentiels archaïques et promouvoir le changement. De simples romans ont le pouvoir de mettre en lumière les dangers des dérives qui menacent la société et inviter les lecteurs à la réflexion, stimulant ainsi les débats et encourageant différents types d’actions.

D’un autre côté, du fait que la création littéraire est une véritable source d’empathie, facilite sans doute son rôle dans la transmission des valeurs,

En nous plongeant dans les vies et les expériences de personnages fictifs, nous pouvons nous connecter émotionnellement à des situations que nous n’aurions autrement pas vécues. Cela élargit notre perspective et nous aide à comprendre les valeurs et les défis des autres, qu’ils soient issus de cultures différentes, de classes sociales différentes ou de générations différentes.

Par exemple, la littérature afro américaine à travers les livres de Tony Morisson ou Langston Hugues nous transportent dans l’Amérique ségrégationniste de la première moitié du vingtième siècle, nous obligeant à réfléchir aux questions de justice, de préjugés et de droits humains… Pour toutes ces raisons des chercheurs défendent la nécessité des études littéraires pour réfléchir à la société à partir des textes d’hier et d’aujourd’hui. Par ailleurs, le lecteur est à la recherche du sens, et donc des valeurs esthétiques et sociales qui sous-tendent les textes.

Mais les valeurs évoluent au fil du temps et varient d’une société à l’autre. De même que l’actualité fait constamment émerger des valeurs nouvelles comme le développement durable, les libertés, les questions éthiques inhérentes à l’intelligence artificielle à l’ère du numérique. Car, nous sommes dans un monde où les sociétés sont en grandes transitions. Le monde est en train de se défaire et de se recomposer sous nos yeux. Ces métamorphoses se sont accélérées sous l’impulsion de la crise sanitaire, du fait que les crises sont souvent des catalyseurs de changements et de renouvellement des sociétés. La pandémie Covid19 a accéléré bien des transformations, et fait basculer des paradigmes et tout le système de valeurs.

 

Aussi, le texte littéraire plus que tout autre art, est constamment traversé aussi bien dans sa forme que dans ses contenus par les questions de valeurs. Car ce qui fait l’essence de la littérature est son rapport au réel et sa capacité à émouvoir et à transmettre des pensées, à travers les rôles qu’elle joue.

Faire réfléchir la jeunesse aux valeurs des sociétés apparait donc plus que jamais aujourd’hui comme une des missions de l’école, mais cet objectif peut poser problème dès qu’on l’associe aux productions artistiques et notamment à la littérature. Celle-ci ne risque-t-elle pas d’être instrumentalisée pour servir les objectifs – si légitimes soient-ils – de l’enseignement moral et civique ?

Longtemps, l’école a privilégié une certaine littérature ou plutôt un panthéon littéraire, qui, dans la tradition humaniste, permettait de transmettre les valeurs universelles du « beau et du bon » et de former un homme sur tous les plans : intellectuel, moral, esthétique et affectif, à partir de l’étude des grandes œuvres, prêchant la morale du juste milieu, pour qui l’harmonie et l’équilibre sont des vertus majeures.

Toutefois, la littérature est un exercice de liberté et ne peut être cantonné à un simple instrument au service de la morale collective. Le considérer ainsi c’est méconnaitre la spécificité de la production littéraire. Car, la raison d’être du texte littéraire n’est pas la finalité morale pratique.  La force de la littérature est, au contraire de susciter une expérience originale en nous confrontant à l’altérité, élargissant les horizons, en se dédouanant de la banalité du conformisme et j’évoque ici, à juste titre, Robert Frost dans son fameux poème the road not Taken qui a inspiré des scènes du film culte « Le cercle des poètes disparus ».

Dans toute œuvre le lecteur impliqué souscrit aux valeurs véhiculées par les personnages ou les rejette, et, ce faisant, il reconfigure le texte littéraire pour l’interpréter à sa manière, car les jugements moraux que le lecteur porte sur les personnages, se font par référence à son propre système de valeurs.

En effet, la création littéraire joue un rôle essentiel dans la transmission des valeurs au sein d’une société. Elle reflète la réalité, transmet des valeurs universelles, critique le statu quo et favorise l’empathie et la compréhension. Que nous soyons auteurs ou lecteurs, nous ne pouvons qu’être touchés et influencés par ces récits, qui façonnent notre vision du monde et notre engagement envers des idéaux moraux et éthiques. La création littéraire continue d’être un pilier essentiel de notre héritage culturel, nous invitant à réfléchir, à remettre en question et à progresser en tant que société.

 

* Intissar Haddiya est Professeure de médecine & romancière marocaine


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