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L’impératif africain : Forger l’autonomie financière pour dompter la richesse extractive

Financement des ressources naturelles africaines : l'appel à une révolution financière lancé depuis l'AFIS 2025 à Casablanca. La directrice générale de l'ONHYM exige l'alignement des mécanismes de financement sur le profil de risque réel des industries extractives pour garantir l'autonomie du continent. Dépendance aux devises, complexité réglementaire : l’heure est à la création de valeur ajoutée locale pour financer le développement endogène.

LA VÉRITÉ


Le continent africain, dépositaire d’une richesse minérale et énergétique inestimable, se trouve à la croisée des chemins. Comment s’assurer que ces abondantes ressources naturelles deviennent le véritable moteur d’une croissance endogène et durable ? C’est la question fondamentale qui a structuré les débats intenses du 5ème Africa Financial Summit (AFIS), tenu à Casablanca le mardi 4 novembre 2025. Cet événement majeur, organisé par Jeune Afrique Media Group en partenariat avec l’International Finance Corporation (IFC) et le soutien d’institutions africaines et marocaines, s’est imposé comme une plateforme privilégiée de partage d’idées et de réflexion stratégique. Réunissant 1 250 leaders, des banquiers aux régulateurs, le sommet a décortiqué les six piliers fondamentaux de la finance africaine. Au cœur des échanges, l’appel vibrant lancé par Amina Benkhadra, directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), exigeait l’élaboration de mécanismes de financement véritablement adaptés aux spécificités des industries extractives du continent.

 

L’alignement stratégique des capitaux sur le risque sectoriel

L’analyse présentée par la DG de l’ONHYM met en lumière une réalité économique implacable. L’Afrique, forte de ses atouts naturels et humains, possède toutes les cartes en main pour s’ériger en pôle moteur de la dynamique économique mondiale. Néanmoins, pour concrétiser cette ambition, elle doit résoudre l’équation complexe du financement. Madame Benkhadra a martelé l’urgence d’aligner les instruments financiers sur les profils de risque spécifiques au secteur extractif, où chaque étape, allant de l’exploration à la production, présente un profil de risque distinct.

Ainsi, les phases d’exploration et de découverte, intrinsèquement associées à un risque très élevé, sont généralement financées par fonds propres ou par des investisseurs sectoriels. Par contre, dès lors que la certification des réserves est établie, des instruments intermédiaires, tels que le mezzanine financing, deviennent indispensables. La finalité de cette adaptation est de permettre à l’Afrique de tirer pleinement parti de ses richesses, d’en créer une valeur ajoutée substantielle et d’assurer les revenus nécessaires pour financer son propre développement.

 

Le renforcement des marchés et l’impératif de contenu local

Pour affranchir le continent de certaines dépendances structurelles, la mobilisation interne du capital et l’innovation s’imposent comme des nécessités non négociables. De plus, Mme Benkhadra a fermement préconisé le renforcement des marchés financiers africains, jugeant essentiel de créer des fonds spécialisés et d’encourager l’innovation financière. L’objectif principal est de faciliter l’accès des entreprises locales aux financements de long terme. Par ailleurs, elle a insisté sur la nécessité de promouvoir la valorisation locale des ressources par le biais de politiques de contenu local ambitieuses.

Pour illustrer la faisabilité de ces ambitions, elle a cité un exemple concret. À cet égard, le projet du Gazoduc Africain Atlantique est présenté comme un modèle africain de structuration financière moderne. Ce modèle combine l’engagement souverain, le financement structuré, une gestion rigoureuse du risque et une vision industrielle projetée sur le long terme. Le Groupe Attijariwafa Bank, selon son directeur général délégué Youssef Rouissi, démontre également un engagement panafricain dans le financement de projets structurants couvrant l’énergie, le transport, la logistique et les infrastructures.

 

Naviguer les contraintes réglementaires et la question des devises

Si la vision stratégique est posée, les obstacles opérationnels demeurent substantiels. Les participants à l’AFIS ont pointé du doigt les défis qui complexifient l’environnement d’investissement. Youssef Rouissi a notamment évoqué les contraintes inhérentes aux devises, aux réglementations locales hétérogènes et aux environnements publics parfois instables. Par conséquent, il soutient qu’il est « essentiel de favoriser la mobilisation du capital en devises fortes, tout en encourageant les financements locaux chaque fois que cela est possible ».

En outre, Paul-Harry Aithnard, directeur régional exécutif d’Ecobank pour la zone UEMOA, a mis l’accent sur la nécessité impérieuse d’instaurer un cadre réglementaire clair et prévisible pour renforcer la confiance des investisseurs et faciliter les flux de capitaux intra-africains. En effet, il a souligné que « près de 50% des difficultés rencontrées tiennent à la réglementation ». Il a ainsi appelé à une plus grande stabilité des règles financières et à une transparence accrue. De même, il recommande activement la promotion de la participation au capital et le financement en monnaie locale afin d’atténuer la dépendance structurelle vis-à-vis des devises étrangères. Ces défis sont particulièrement aigus pour les économies insulaires, comme l’a rappelé Óscar Humberto Évora Santos, gouverneur de la Banque du Cap-Vert, qui a souligné le rôle crucial d’une banque centrale indépendante, garante de la « stabilité financière et de la confiance des marchés ».

 

Les discussions tenues lors du 5ème AFIS à Casablanca ont solidement établi la feuille de route pour l’autonomie économique africaine. Le financement des industries extractives ne peut plus être une simple réplication de modèles exogènes, il doit être chirurgicalement adapté aux risques distincts du secteur. Le renforcement des capacités institutionnelles et la stabilité réglementaire, priorité pour consolider la position du système financier, selon M. Évora Santos, constituent les piliers d’une nouvelle architecture financière. En définitive, l’Afrique est appelée à consolider sa position sur l’échiquier mondial en transformant sa richesse potentielle en prospérité tangible.


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