Les mosquées marocaines : creusets d’architecture, d’histoire et de patrimoine

Par Mehdi DIOUANE.
Les mosquées se sont de tout temps imposées comme le creuset d’un dialogue sublime entre architecture, histoire et patrimoine, à la faveur des affluents arabe, amazigh, andalou et méditerranéen qui irriguent l’identité unique et plurielle des Marocains.
Dans l’élan majestueux de leurs minarets, les mosquées marocaines continuent d’arborer une splendeur singulière où l’harmonie des sculptures minutieuses et la quiétude spirituelle rendent l’écho d’un travail laborieux ciselé, au fil des siècles, par une série d’influences et d’interactions ayant émaillé l’histoire du Maroc et son rapport avec son voisinage.
Dialogue des influences
Au gré de ces échanges féconds, certaines mosquées sont devenues, plus que des lieux de culte, des chefs-d’œuvre d’architecture inimitables et impossibles à reproduire, sauf par les mains de l’artisan marocain.
C’est précisément cette spécificité qu’expriment l’architecture des mosquées et la richesse de leurs aspects esthétiques et artistiques en parfaite symbiose avec un souffle spirituel indissociable de l’histoire du pays, tant et si bien que tout visiteur avisé ne saurait se tromper sur l’identité de ces lieux de culte.
Pour l’historien Ahmed Achaaban, professeur spécialisé en architecture islamique, la densité des influences et des interactions est une question plus que probable dans l’évolution des arts en général et de l’architecture en particulier, quand bien même un entrelacs de facteurs endogènes et exogènes contribue à façonner l’identité d’un pays.
Le résultat en est que ce dialogue des influences a fini par imprimer à l’architecture marocaine un cachet singulier qui se déploie dans la diversité des motifs et la richesse des décorations, révélant par la même tout le génie de l’artisan marocain et sa capacité à façonner les formes et les matières.
Al Jamaa Al Aâdam
Dans une déclaration à la MAP, M. Achaaban a fait remarquer que le concept d’architecture a connu une certaine évolution dans les lieux de culte, du fait que seul Al Jamaa Al Aâdam ou la Grande mosquée (Al Jamaa Al Kabir) était considéré, dans le passé, comme un monument d’architecture religieuse dans la Cité islamique.
Selon lui, contrairement à la mosquée, dédiée uniquement aux cinq prières quotidiennes et ne disposant pas de minbar, Al Jamaa abritait la prière du vendredi, en plus des cinq prières obligatoires.
Tous les Jamaa disposent de cinq éléments architecturaux essentiels : le mihrab, dédié à l’imamat de la prière, le minbar pour les prêches du vendredi et des Aïd, une salle de prière, un minaret pour l’appel à la prière et la cour qui joue un rôle important dans la ventilation et l’éclairage, a précisé M. Achaaban.
Révolution artistique et culturelle
Les Jamaas de l’Occident musulman, et ceux du Maroc en particulier, se distinguaient de leurs semblables du Machrek, a-t-il noté, soulignant qu’avec l’émergence de la dynastie Almohade au 12 ème siècle, une révolution artistique et culturelle a marqué les éléments architecturaux des Jamaas marocains par rapport aux autres Jamaas islamiques.
Au cours de cette période, a-t-il indiqué, la forme géométrique carrée des minarets allait devenir un trait distinctif de toutes les mosquées de l’Occident musulman.
A cela s’ajoute une technique et une ingénierie de construction inconnues jusqu’alors, consistant à exploiter le corps central de la mosquée à travers la construction de pièces superposées allant de la base à la plateforme supérieure du minaret, a-t-il ajouté.
Le chercheur a relevé que les évolutions ayant émaillé l’architecture des mosquées marocaines au fil du temps n’étaient pas isolées des avancées réalisées dans le domaine de la décoration, de la sculpture sur bois et du travail du zellige, qui reflétaient l’essor culturel et économique ayant jalonné l’histoire du Maroc.
Libre cours au génie créateur
Faisant observer que les principautés antérieures à la dynastie Almoravide se sont intéressées plus à la construction qu’à la décoration, il a soutenu que, sous les Almohades, l’artisan marocain allait donner libre cours à son génie créateur en matière de décorations en plâtre et de sculpture sur pierre, comme en témoignent les mosquées de Tinmel et Koutoubia.
“On peut dire que la dynastie mérinide et celles qui lui ont succédé ont été par excellence des époques de décoration des bâtiments”, a-t-il indiqué, assurant que les façades intérieures des écoles mérinides forment des tableaux ornés de différents types de décorations.
La mosquée Hassan II à Casablanca incarne aujourd’hui de la meilleure des manières cette créativité et cette authenticité marocaines, en tant que premier édifice religieux construit sur la mer.
Il s’agit d’un joyau architectural, civilisationnel et artistique sans pareil, qui combine une impressionnante palette d’expressions artistiques, de décorations et de sculptures marocaines millénaires.
Autant dire que les mosquées marocaines continueront d’incarner l’évolution d’un art architectural constamment renouvelé et patiemment ciselé par la main de l’artisan marocain.
En plus de leur rôle en tant que lieux de culte, ces mosquées restent des chefs-d’œuvre architecturaux qui reflètent l’esprit de créativité et de singularité dans le paysage culturel et civilisationnel du Maroc.