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Les Etats africains appelés à mettre en place un système pénitentiaire capable de prévenir la récidive


L’émergence de pratiques criminelles sophistiquées essentiellement la cybercriminalité exige des Etats africains la mise en place d’un système pénitentiaire capable de prévenir la récidive, a affirmé, jeudi à Rabat, le Délégué général à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), Mohamed Salah Tamek.

Le progrès de la technologie dans différents domaines, notamment celui de l’information et de la communication, et l’accès de plus en plus massif de larges pans des populations, notamment les jeunes, à ces technologies ont généré collatéralement des marges de pratiques criminelles sophistiquées dont essentiellement la cybercriminalité, a précisé M. Tamek à l’ouverture du premier Forum Africain des Administrations Pénitentiaires et de Réinsertion, organisé sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI.

Ces transformations “exigent de nos Etats la mise en place d’un système de justice pénale, plus particulièrement un système pénitentiaire, qui soit en mesure non seulement d’assurer la sécurité publique et la protection des individus et de leurs biens, mais aussi d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de préparation à la réinsertion des détenus et de mettre en place les structures et services connexes pour prévenir la récidive”, a-t-il poursuivi.

“Nous sommes confrontés en tant que responsables des administrations pénitentiaires et de réinsertion à des défis multiples”, a-t-il fait valoir, évoquant les problèmes que pose la gestion proprement sécuritaire des différentes catégories de détenus, l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de préparation à la réinsertion et l’humanisation des conditions de détention.

La gestion sécuritaire des établissements pénitentiaires devrait prendre en considération le fait que la population carcérale dans tous les pays est loin d’être homogène du point de vue de la nature des crimes et délits commis par les détenus, des peines assez variables auxquels ces crimes et délits sont passibles et de la situation judiciaire (détention préventive ou condamnation) des détenus, a fait observer M. Tamek, soutenant qu’elle ne l’est pas non plus en termes de caractéristiques démographiques (notamment l’âge et le sexe), géographiques (appartenance géographique), socio-économiques (classe ou catégorie sociale sur la base des métiers exercés ou de la situation de non emploi) et socioéducatives (niveau d’instruction ou de formation).

A ces différentes variables viennent se superposer les différenciations juridiquement établies respectivement entre les détenus en situation de détention préventive, les détenus condamnés et les détenus en situation de contrainte par corps, et entre les adultes et les mineurs, a-t-il encore dit, ajoutant que cette hétérogénéité exige une classification des détenus suivant une grille de critères qui doit correspondre autant que possible à la multiplicité des variables, suivant les objectifs de gestion et contrôle en vue.

La classification et la gestion des détenus doit prendre en compte les contraintes liées à la capacité d’accueil du parc pénitentiaire, les différents équipements de sécurité disponibles et la capacité d’encadrement de la population carcérale par le personnel pénitentiaire chargé de la surveillance, a-t-il souligné, notant que l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de préparation à la réinsertion au profit des détenus devraient reposer sur une connaissance suffisante de la population carcérale, c’est-à-dire qu’il faut déterminer et mesurer les caractéristiques des différentes catégories de détenus pour pouvoir identifier les besoins en préparation à la réinsertion de chacune d’elles.

La poursuite ou la condamnation d’un citoyen à n’importe quelle peine d’emprisonnement n’impliquent nullement qu’il soit déchu de sa citoyenneté, ni de sa dignité de personne humaine, a-t-il insisté, relevant en outre que la gestion sécuritaire des prisons ne doit être nullement préjudiciable à l’intégrité physique et morale du détenu.

Les efforts inlassables déployés en matière d’humanisation des conditions de détention, et plus particulièrement en ce qui concerne le traitement humain des détenus, ne contrarient en rien les exigences de sécurité que toute administration pénitentiaire doit satisfaire, a affirmé M. Tamek, ajoutant qu’une bonne gestion du secteur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion exige une coopération et une coordination avec tous les secteurs partenaires dont les domaines d’intervention croisent ses compétences.

M. Tamek a par ailleurs souligné que les administrations pénitentiaires sont appelées à établir des rapports de coordination opérationnelle étroite et permanente avec les services de sécurité, notamment en ce qui concerne la gestion des catégories de détenus à haut risque, tels que les détenus poursuivis ou condamnés pour des faits de terrorisme ou d’extrémisme, les détenus impliqués dans le crime organisé, les barons de narcotrafic et les détenus dangereux.

Organisé sous le thème “Vers une vision commune pour renforcer la coopération Sud-Sud et confronter les défis et contraintes de la gestion des établissements pénitentiaires”, ce Forum, dont l’organisation coïncide avec le troisième anniversaire de la réintégration par le Maroc de l’Union Africaine, se veut un espace de débat et d’échange d’expériences en matière d’administration pénitentiaire et de réinsertion pour les pays africains, a-t-il en outre indiqué.

Selon M. Tamek, l’organisation de ce Forum s’inscrit dans les orientations stratégiques du Royaume en matière de coopération Sud-Sud et s’inspire de l’engagement direct, intense et suivi du Souverain dans la dynamisation de cet axe de coopération prioritaire.

Abordant l’expérience marocaine, il a rappelé que la Délégation Générale a mis en œuvre une stratégie articulée autour de quatre axes principaux, à savoir l’humanisation des conditions de détention, la préparation des détenus à la réinsertion, le renforcement des moyens de sécurité et la modernisation de la gestion administrative.

Pour humaniser les conditions de détention, la Délégation Générale a renforcé le parc pénitentiaire par la construction de nouveaux établissements qui répondent aux exigences de sécurité, de santé et de préparation à la réinsertion, sachant que certains d’entre eux ont été construits en remplacement de pénitenciers vétustes et non conformes à ces exigences, a-t-il dit, précisant qu’entre 2014 et 2019, elle a construit 18 établissements pénitentiaires.

Elle a également renforcé les prestations de santé aux détenus en assurant la couverture médicale de tous les établissements aussi bien par ses moyens propres que par l’accès des détenus aux prestations de la santé publique et aux nombreuses campagnes médicales organisées par les associations et organisations qui sont engagées dans des relations de partenariat avec la Délégation Générale, a affirmé M. Tamek.

Pour améliorer la restauration des détenus, alléger la charge de leurs familles et lutter contre le trafic et la consommation de drogues et de psychotropes, l’usage de téléphones portables et d’objets électroniques qui constituent de sérieuses menaces pour la sécurité des détenus et des établissements, elle a interdit le panier et attribué la préparation et la distribution des repas des détenus à des opérateurs professionnels, a-t-il ajouté, faisant savoir que pour garantir aux détenus une alimentation saine et équilibrée, elle a mis en place un mécanisme de contrôle permanent pour vérifier si les repas distribués respectent les paramètres quantitatifs et qualitatifs nécessaires.

En outre, la Délégation Générale a élaboré un projet de réforme globale du cadre législatif et réglementaire régissant l’administration pénitentiaire et de réinsertion pour y intégrer les orientations nouvelles contenues dans la nouvelle Constitution du Royaume concernant la préservation de la dignité des détenus et de leurs droits, notamment le droit d’accès aux programmes de préparation à la réinsertion, a-t-il relevé.

Dans le domaine de la préparation des détenus à la réinsertion, la Délégation Générale a renforcé les programmes classiques relatifs à l’enseignement et l’alphabétisation et à la formation professionnelle, a dit M. Tamek.

Concernant le domaine de la formation professionnelle, pour être en phase avec le marché de l’emploi, de nouvelles branches sont proposées aux détenus, y compris en matière agricole et artisanale, a expliqué le Délégué général, précisant que sur la base d’une identification des besoins des différentes catégories de détenus en la matière, des programmes d’action sociale et culturelle et d’accompagnement psychologique et spirituel sont élaborés et mis en œuvre aussi bien par les moyens propres de la Délégation Générale que dans le cadre de partenariats avec les opérateurs institutionnels et non gouvernementaux concernés par les contenus de ces programmes.

Parallèlement à cette ligne de programmes, la Délégation Générale a initié des programmes nouveaux tels que : les ateliers et les concours de création artistique et littéraire pour encourager les détenus à découvrir et à exploiter leur potentiel créatif et l’Université dans les prisons (sept éditions jusqu’aujourd’hui) qui constitue un espace de débat et d’échange entre les détenus lauréats des différentes filières d’enseignement et de formation professionnelle et des personnalités académiques, artistiques et littéraires ou actives dans le domaine associatif autour de thématiques revêtant un intérêt certain pour la réinsertion des détenus, a noté M. Tamek.

Les détenus étrangers au Maroc bénéficient de programmes spécifiques axés sur l’apprentissage de la langue arabe et le parler et la culture marocains, a-t-il fait savoir, précisant que l’objectif de ces programmes particuliers est de mieux intégrer cette catégorie de détenus dans le milieu carcéral et de les préparer ainsi à leur réinsertion sociale.

En rapport avec la lutte contre la radicalisation en milieu carcéral, la Délégation Générale a initié des programmes spécifiques, notamment celui de « Moussalaha » (Réconciliation) et le programme d’Education par les pairs, a-t-il indiqué, ajoutant que le premier, qui constitue une expérience particulière de par son contenu, ses objectifs et sa méthode, cible les détenus condamnés pour des faits de terrorisme ou d’extrémisme.
Son objectif est de réaliser la réconciliation de cette catégorie de détenus avec eux-mêmes, avec le texte religieux et avec la société, a précisé M. Tamek.

Pour réussir sa mission, la Délégation Générale a déployé de grands efforts en matière de modernisation et d’amélioration de la gouvernance des établissements pénitentiaires, et ce par le biais de la restructuration de son organigramme, la mise à niveau des outils de travail et de gestion, notamment par la mise en place d’un système d’information pour la gestion des différents aspects de l’administration pénitentiaire et de réinsertion, a-t-il conclu.

Organisé par la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, cet événement de haute importance est animé par trois objectifs majeurs : exposer l’expérience marocaine dans la gestion des affaires pénitentiaires sur les plans de la Sécurité et de la Réinsertion, unifier la gestion des défis sécuritaires communs aux pays africains et, enfin, promouvoir la modernisation de la gouvernance pénitentiaire à l’échelle continentale.

Initié en partenariat avec la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) et le groupe OCP, ce forum de deux jours abordera trois axes dont le premier posera la question fondamentale de savoir “Quelle approche participative efficace pour préparer les détenus à la réinsertion ?’’.

Il s’agit aussi de la “Présentation des expériences en matière de gestion sécuritaire et gestion des détenus extrémistes violents dans les établissements pénitentiaires” et de la “Modernisation de l’Administration Pénitentiaire et l’efficacité de l’élément humain”.

En marge du Forum, il est prévu des visites de sites institutionnels (Centre de formation des cadres et prison locale de Tiflet 2) .

Le Forum vise, selon ses organisateurs, à apporter l’éclairage nécessaire sur l’évolution de la gestion pénitentiaire au Maroc et, surtout, de la mettre à disposition des pays frères et amis du continent africain. Il s’agit aussi d’une nouvelle initiative du Royaume visant le développement et le renforcement de la coopération Sud-Sud, en particulier au niveau continental, à laquelle le Souverain n’a eu de cesse d’inviter l’ensemble des pays africains.

La séance d’ouverture de ce Forum s’est déroulée en présence du Chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, de membres du gouvernement, de présidents d’instances constitutionnelles, des représentants d’organisations onusiennes et internationales et de diplomates accrédités à Rabat.


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