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Le Maroc face à son grand tournant politique en 2026

Le Maroc mérite mieux en 2026

Par Yassine Andaloussi


Le Maroc est à un moment crucial de son parcours politique récent. Alors que les prochaines élections législatives approchent à grands pas, prévues pour 2026, un climat d’incertitude mêlé à de grandes attentes sociales se fait sentir dans tout le pays. Ce sentiment général d’ambiguïté est alimenté par un contraste flagrant entre l’élan affiché au sommet de l’État et l’inertie observée dans plusieurs composantes du gouvernement. Les chantiers sociaux et économiques sont nombreux, les besoins des citoyens sont réels, et pourtant, une grande partie de la classe politique reste silencieuse, distante, voire absente.

Un constat s’impose de plus en plus clairement sur le plan gouvernemental la communication est quasiment absente dans plusieurs départements clés. Des départements entiers opèrent dans l’ombre, sans compte-rendu régulier, sans transparence, sans proximité avec les citoyens. Cela crée un vide dans la relation entre l’administration et la population. À l’heure où la société marocaine est de plus en plus connectée, informée, et critique, ce manque de visibilité alimente le désintérêt politique et le scepticisme général. Ce n’est pas uniquement une faiblesse de gouvernance, c’est aussi une rupture symbolique dans le pacte entre gouvernants et gouvernés.

Silence officiel, société en tension

Le décalage est d’autant plus frappant que le Maroc vit une phase historique de montée en puissance sur la scène internationale. Sa diplomatie est active, ses relations économiques se diversifient, ses infrastructures se modernisent, et il s’apprête à accueillir des compétitions sportives majeures qui attireront l’attention du monde entier. L’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 puis de la Coupe du Monde 2030 sont des exemples marquants de cette ambition d’émergence. Ces rendez-vous représentent une opportunité stratégique exceptionnelle pour repositionner le pays à un autre niveau. Mais ces événements ne peuvent être pleinement bénéfiques que si, en parallèle, l’action gouvernementale devient à la fois structurée, lisible et inclusive.

Sur la scène politique, certains acteurs semblent déjà en campagne bien avant l’heure. Le chef du gouvernement actuel multiplie les apparitions médiatiques. Il tente de se repositionner comme figure centrale de la transformation en cours. On observe également un retour méthodique d’Abdelilah Benkirane, qui use de son charisme et de sa capacité à mobiliser les foules pour retrouver une place de choix dans l’imaginaire collectif. Il ne s’agit pas ici de critiquer le droit des responsables politiques à préparer leur avenir électoral. Ce qui pose question, c’est le recours à des figures déjà bien connues, parfois fatiguées politiquement, et l’absence de nouveaux visages ou de propositions véritablement innovantes. Le paysage politique semble tourner en boucle, figé dans une forme de nostalgie partisane, incapable d’évoluer avec son temps.

Cela est particulièrement visible du côté de la gauche historique. Les partis qui l’incarnent continuent de tenir un discours quasi inchangé depuis deux décennies. Leur message, pourtant porteur de valeurs nobles comme la justice sociale ou la solidarité, ne trouve plus d’écho auprès des jeunes. Leurs dirigeants sont souvent les mêmes que ceux d’hier, leurs méthodes sont vieillissantes, leur capacité d’influence décline. Pourtant, les enjeux qui devraient être leur terrain naturel n’ont jamais été aussi urgents. La question des inégalités territoriales, la précarité des classes moyennes, la défense des services publics sont des batailles actuelles. Mais elles sont orphelines d’un porte-voix crédible et structuré.

L’échéance de la refondation

Dans ce contexte, les élections de 2026 ne peuvent pas être abordées comme un simple passage institutionnel. Elles doivent être pensées comme une occasion historique de redonner sens à l’action politique. Le Maroc n’a pas besoin d’un gouvernement de façade ou d’une majorité électorale fondée sur des équilibres arithmétiques. Il a besoin d’un gouvernement de mission, porté par des hommes et des femmes capables de comprendre les urgences du présent et d’anticiper les défis du futur. Il a besoin d’un cap, d’une cohérence, d’une stratégie partagée.

Ce gouvernement devra d’abord être réaliste. Cela signifie reconnaître les limites du modèle actuel, sortir du langage technocratique déconnecté des réalités, et entrer dans une logique de proximité et de pragmatisme. Il devra aussi être enraciné dans les territoires. Le Maroc ne peut plus être pensé uniquement à travers le prisme de Casablanca, Rabat ou Marrakech. Les provinces du Sud, les zones rurales du Rif, les plateaux de l’Oriental, les petites villes enclavées de l’Atlas ont besoin d’être vues autrement que comme des angles morts. Le développement doit être pensé à partir des réalités locales, pas seulement à travers des plans nationaux imposés d’en haut.

Il faudra également valoriser le capital humain. Ce mot, souvent galvaudé, est pourtant une richesse réelle. Le Maroc regorge de talents dans les domaines de la recherche, de l’innovation, de l’entrepreneuriat, de la culture. Cette jeunesse ambitieuse, mobile, créative, doit être intégrée aux politiques publiques. Elle doit être écoutée, formée, accompagnée, responsabilisée. Elle ne demande pas l’assistanat, elle demande l’opportunité. Le nouveau gouvernement devra aussi cultiver l’esprit de résultat. L’évaluation des politiques publiques, la reddition des comptes, la gestion par objectif doivent devenir la norme. Le citoyen marocain mérite de savoir ce que l’État fait avec ses ressources, quels engagements sont pris, quels progrès sont réalisés.

Réaliser l’élan du Royaume

Le contexte géopolitique régional impose également un niveau de rigueur élevé. Le Maroc est aujourd’hui une puissance pivot en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest. Sa voix compte dans les institutions continentales, ses entreprises investissent à l’international, ses forces de sécurité sont sollicitées dans les coopérations stratégiques. Mais pour que cette influence soit durable, elle doit reposer sur une assise intérieure solide. Une économie compétitive, une cohésion sociale forte, une administration moderne, une justice équitable, un espace politique pluraliste. Ces piliers doivent être renforcés pour que le pays devienne un modèle régional, non seulement par sa stabilité mais aussi par son exemplarité.

Le Maroc ne manque pas d’atouts. Il dispose d’un leadership monarchique visionnaire, d’un tissu entrepreneurial en expansion, de ressources naturelles stratégiques, et d’une diplomatie agile. Il a une jeunesse prête à s’engager, des intellectuels lucides, une société civile en éveil. Il ne lui manque qu’un élément fondamental une classe politique à la hauteur de ses ambitions. Une classe politique qui sache conjuguer loyauté et efficacité, audace et responsabilité. Une classe politique qui comprenne que l’histoire est en train de s’écrire maintenant, pas demain.

Le moment est donc venu de rompre avec les cycles stériles, les promesses non tenues, les jeux d’alliances sans vision. Le Maroc peut réussir, et il peut réussir rapidement. Il a tout ce qu’il faut pour cela. Mais il faut le vouloir, le porter, l’incarner. Il faut choisir le courage politique, l’intelligence collective, la justice territoriale. Il faut refuser la facilité des slogans vides, l’immobilisme institutionnalisé, le clientélisme déguisé. Le Maroc de demain se construira avec des actes, pas avec des apparences. Il se construira avec ceux qui croient en lui, pas avec ceux qui le consomment comme un tremplin.

C’est maintenant ou jamais. Le temps des décisions fortes est arrivé. Le Maroc a rendez-vous avec son destin. Et il ne peut pas se permettre de le manquer.


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