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Le Maroc au Sommet de Manama : Une parole royale pour une solidarité arabe renouvelée

Par Hamza Abdelouaret


Alors que le monde arabe traverse une période de turbulences majeures, le 34ᵉ Sommet de la Ligue arabe, tenu à Manama le 16 mai 2025, a donné lieu à un discours d’une rare intensité prononcé par le Roi Mohammed VI. Au-delà des formules diplomatiques, le Souverain a articulé une vision claire et cohérente pour une paix durable au Moyen-Orient, tout en appelant à une refondation du projet arabe autour de la solidarité, du respect des souverainetés et d’un engagement concret envers la cause palestinienne. Dans un contexte de fractures régionales, ce message se veut un signal de cohésion, mais aussi d’exigence à l’égard des partenaires arabes.

Le sommet de Manama, qui a rassemblé les dirigeants du monde arabe dans une atmosphère de crise, a été marqué par une prise de parole très attendue du Maroc. Le discours du Roi Mohammed VI, lu en son nom par le Chef du gouvernement, a placé la barre haut : il ne s’agissait plus simplement de réaffirmer des principes, mais de rappeler, avec force et lucidité, la responsabilité collective des États arabes face aux menaces qui planent sur la région.

À l’heure où la Palestine subit l’une des plus graves offensives de son histoire récente, où la Syrie peine encore à retrouver sa stabilité institutionnelle, et où l’Afrique du Nord reste paralysée par l’absence d’intégration régionale, l’appel royal s’est structuré autour de trois axes stratégiques : une défense ferme des droits palestiniens, une relance du rôle structurant du Maghreb dans le développement arabe, et un plaidoyer pour une action arabe unifiée, au-delà des intérêts fragmentés.

Ce discours n’a pas seulement marqué par son contenu, mais aussi par sa posture : celle d’un pays qui, tout en affirmant sa souveraineté et sa constance sur la scène internationale, tend la main à ses partenaires pour bâtir une architecture régionale stable, fondée sur des engagements concrets et des résultats tangibles.

Palestine : Une urgence morale et stratégique pour le monde arabe

L’un des points les plus saillants du discours royal fut sans conteste la situation dramatique en Palestine, dans un contexte d’escalade sans précédent à Gaza et en Cisjordanie. Le Roi Mohammed VI, en sa qualité de Président du Comité Al Qods, a dénoncé avec vigueur les opérations militaires israéliennes, qualifiées de violations graves du droit international humanitaire. Plus qu’un simple appel à la paix, le discours a posé un constat politique : l’inaction arabe, face aux démolitions massives de logements palestiniens, aux déplacements forcés et à l’extension continue des colonies, affaiblit la crédibilité collective des pays arabes.

Cette prise de position marocaine, saluée par des diplomaties comme celles du Koweït, du Qatar et de la Jordanie selon les dépêches de l’agence WAM et de l’APS, intervient alors que le processus de paix est à l’arrêt total. Rabat a réitéré la nécessité de relancer les négociations dans le cadre de la solution à deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien. Le Maroc, à travers l’Agence Bayt Mal Al Qods, a poursuivi ses efforts concrets sur le terrain, notamment en matière de réhabilitation d’écoles, de centres de santé et de soutien aux familles vulnérables dans la Ville sainte.

Syrie, Liban, Yémen : L’épreuve de la reconstruction face à l’indifférence arabe

Dans son allocution au 34ᵉ Sommet arabe, le Maroc n’a pas seulement plaidé pour la paix en Palestine ; il a aussi évoqué, sans détour, la situation des pays arabes en crise, à commencer par la Syrie. Douze ans après le déclenchement de la guerre civile, la Syrie reste embourbée dans une reconstruction bloquée, paralysée autant par les sanctions internationales que par les divisions internes. Le Roi a exprimé la nécessité d’un accompagnement arabe sincère, qui ne se limite pas à des gestes diplomatiques mais qui se traduise par des investissements, des aides concrètes et un soutien institutionnel à la refondation de l’État syrien.

Ce plaidoyer s’inscrit dans un contexte de retour progressif de Damas dans le giron arabe, amorcé depuis 2023. Toutefois, comme l’ont souligné des observateurs régionaux, cette réintégration reste largement symbolique. Le Maroc, en soulignant la gravité de l’effondrement économique en Syrie, mais aussi au Liban et au Yémen, a appelé à une solidarité active, notamment dans le domaine humanitaire. Selon un rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 15 millions de Syriens ont encore besoin d’aide d’urgence, une situation qui requiert une mobilisation collective bien au-delà des mots.

Ce message royal tranche avec certaines positions frileuses dans la région, et met en lumière une réalité amère : l’absence de politique arabe commune face aux États en déliquescence. Le Maroc, sans imposer de modèle, propose une doctrine simple : pour être crédible sur la scène internationale, le monde arabe doit d’abord être solidaire avec ses propres peuples.

Afrique du Nord : Le grand gâchis maghrébin sous les projecteurs

Le discours du Roi Mohammed VI au 34ᵉ Sommet arabe a mis en lumière une blessure régionale trop souvent tue : l’échec de l’intégration maghrébine. En rappelant que l’Afrique du Nord est la région la moins intégrée du monde arabe et même du monde en termes de coopération économique, le Souverain a tiré la sonnette d’alarme sur un statu quo qui coûte cher à tous. Cette fragmentation prive les pays maghrébins d’opportunités majeures dans un contexte mondial où les blocs régionaux sont de plus en plus déterminants.

Le diagnostic est sans appel. Le commerce intra-maghrébin ne représente que 3 % des échanges extérieurs, alors que le potentiel est immense : complémentarité énergétique, richesse démographique, proximité géographique et ouverture sur l’Europe. Pourtant, l’Union du Maghreb Arabe, créée en 1989, reste paralysée. Et derrière cette paralysie, se cache une vérité politique : les tensions persistantes entre le Maroc, l’Algérie et, dans une moindre mesure, la Tunisie.

Depuis 2022, les relations entre Rabat et Tunis se sont considérablement dégradées, notamment après l’accueil officiel du chef du Polisario, Brahim Ghali, par le président Kaïs Saïed. Un geste perçu comme une provocation par le Maroc, qui a rappelé son ambassadeur. Ce contexte politique explique pourquoi, même lorsqu’un consensus économique est possible, les avancées concrètes restent bloquées par des querelles de souveraineté et de posture diplomatique.

Le Roi n’a nommé aucun pays dans son discours, mais l’appel à une intégration économique réelle est une manière implicite de poser une question politique claire : combien de temps les ambitions nationales continueront-elles de prendre le pas sur l’intérêt collectif ? Le Maroc, de son côté, continue de bâtir des ponts bilatéraux, notamment avec la Mauritanie et les pays du Sahel, en attendant qu’un sursaut régional donne enfin vie au rêve maghrébin.

Le Comité Al Qods : Un engagement constant au service des Palestiniens

Dans son allocution prononcée au 34ᵉ Sommet arabe, le Roi Mohammed VI a réaffirmé, en tant que Président du Comité Al Qods, l’attachement indéfectible du Maroc à la défense d’Al Qods et des droits légitimes du peuple palestinien. Cet engagement dépasse le cadre diplomatique. Il se manifeste par une action continue sur le terrain, à travers l’Agence Bayt Mal Al Qods, qui œuvre depuis des années à améliorer les conditions de vie des populations palestiniennes de la ville.

Le discours royal a mis en avant l’importance de maintenir l’acheminement de l’aide humanitaire, de protéger les institutions palestiniennes locales et de préserver l’identité historique et culturelle d’Al Qods, dans un contexte de pressions et de tentatives d’effacement. À travers une politique de projets ciblés, tels que la réhabilitation d’écoles, la création de centres de santé ou le développement de programmes de soutien social et éducatif, le Maroc joue un rôle concret et reconnu dans la résistance civile des Palestiniens à Jérusalem.

Cette approche, à la fois discrète et structurée, se distingue par sa constance et sa crédibilité. Contrairement à d’autres déclarations de solidarité restées symboliques, l’action du Comité Al Qods s’inscrit dans la durée et dans l’efficacité. Le Roi a également appelé à un appui plus large des pays arabes à ce dispositif, soulignant que la protection d’Al Qods n’est pas l’affaire d’un seul État, mais une responsabilité partagée au sein du monde arabo-musulman.

Une déclaration finale alignée sur les principes de solidarité et de souveraineté

Le 34ᵉ Sommet arabe, tenu à Manama le 16 mai 2025, a rassemblé les chefs d’État, de gouvernement et hauts représentants des pays membres de la Ligue des États arabes. Parmi les figures présentes figuraient le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, l’émir du Qatar Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, le président palestinien Mahmoud Abbas, ou encore le président somalien Hassan Sheikh Mohamoud. La Jordanie était représentée par son Premier ministre Jaafar Hassan, et le Liban par son chef du gouvernement Nawaf Salam. Le secrétaire général de l’ONU António Guterres, ainsi que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, invité d’honneur, ont également assisté aux travaux.

La déclaration finale adoptée à l’issue de la réunion a réaffirmé l’engagement des États arabes en faveur de la cause palestinienne, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État, ainsi que la nécessité de renforcer la coopération économique et politique au sein de la région. Elle a aussi exprimé la solidarité des pays membres face aux crises qui frappent certains États, notamment en Syrie, au Liban et au Yémen.

La participation du Royaume du Maroc s’est inscrite dans cette dynamique. Le Roi Mohammed VI a adressé un message au Sommet, transmis par M. Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Le Chef du gouvernement, M. Aziz Akhannouch, a représenté le Royaume aux côtés d’une délégation de haut niveau comprenant notamment M. Mohamed Ait Ouali, ambassadeur du Maroc au Caire, et M. Mustapha Benkhayi, ambassadeur au Bahreïn.

Dans son message, le Roi a souligné les priorités fondamentales du monde arabe, notamment la centralité de la cause palestinienne, la revitalisation de l’intégration maghrébine et la nécessité d’une action arabe solidaire en faveur des pays en crise. Cette vision a trouvé un écho dans plusieurs points de la déclaration finale, illustrant la convergence entre les orientations du Royaume et les positions collectives des États membres.

En mettant en avant des principes clairs, une diplomatie d’équilibre et un engagement concret au service des causes justes, le Maroc a une nouvelle fois démontré la cohérence et la constance de sa politique arabe, en phase avec la vision du Roi Mohammed VI pour une coopération fondée sur la solidarité, la responsabilité et la paix durable.


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