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Le livre, cet autre vaccin

Anouar AFAJDAR


“Lire pour ne jamais se sentir seul”, tel est le thème choisi par l’UNESCO pour célébrer la journée mondiale du livre et du droit d’auteur (23 avril). Il s’agit là, comme chaque année, d’une occasion parmi tant d’autres pour prévaloir l’importance de la lecture et promouvoir l’amour de la littérature et du livre, sans pour autant attenter aux droits d’auteur.

De la comédie de Molière et la tragédie de Shakespeare à la poésie de Mahmoud Darwich, en passant par le romantisme de Hugo, le naturalisme de Zola et le surréalisme de Maupassant, le livre et la lecture furent, depuis la nuit des temps, les compagnons fidèles de tout un chacun qui leur tend la main. Aujourd’hui, ils le sont encore plus !

En effet, depuis l’apparition du nouveau Coronavirus, les restrictions ne cessent d’être imposées. Et si ces restrictions n’autorisent pas de sortir, dans le sens le plus structuraliste du terme, se perdre entre les lignes d’un livre, cet autre vaccin de l’isolement, offre la belle occasion de peindre de chez soi les traits d’un monde extérieur et de nager au milieu de pensées jusqu’alors inconnues.

En tissant des liens solides (presque réels) avec les personnages, le lecteur parvient à vaincre ce sentiment amer de solitude. Une fois absorbé par les faits, il se trouve mêlé aux péripéties, s’investissant pleinement au récit et s’identifiant aux personnages. A ce sujet, l’écrivain et poète Mohamed Hmoudane explique que la lecture “n’est pas un acte naturel, instinctif, spontané, mais il est le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs, notamment, le milieu socio-familial, l’éducation, l’instruction etc”.

“Quand on lit, on va vers un livre avec un vécu, une histoire, des frustrations et des envies”, a souligné l’auteur de “À mille chants du naufrage” dans une déclaration à la MAP, précisant que l’individu-lecteur n’est pas une “planète” isolée, il fait bel et bien partie d’un système et subit, pour ainsi dire, bon gré mal gré, les “tendances”.

Cependant, qui dit livre dit courants et siècles, et qui dit courants dit écrivains. Bien évidemment, de l’Humanisme au nouveau roman, les registres d’écritures, mais surtout leurs motifs n’ont jamais été les mêmes. Et de nos jours, cette donnée s’accapare de plus en plus de place, non pas seulement quand il s’agit d’aspects stylistiques, mais de la manière en elle-même et pour elle-même de lire et d’aborder un livre.

Ceci est explicitement affirmé par l’enseignant-chercheur et écrivain, Mokhtar Chaoui, quand il se pose d’emblée la question: qu’est-ce un écrivain si ce n’est celui qui remet constamment son écriture en question ?

Les enfants, voire des jeunes d’aujourd’hui, sont tombés dès leur naissance dans “la soupe” du digital, du numérique. “Ils ne jurent que par le concis, le condensé, l’urgence, l’impatience, les émojis et les émoticônes”, confie-t-il à la MAP, alors que son dernier roman “Ceci n’est pas un miroir” vient de paraître.

De son avis, cette génération n’est pas faite pour l’écriture réaliste à la Balzac, Flaubert et consorts, ni pour les romans cycle à la Romain Rolland et Roger Martin du Gard. “Elle n’est pas non plus intéressée par les phrases à la Proust, les lamentations à la Lamartine, les longues descriptions à la Zola”, mais elle cherche à être emportée en peu de temps, avec peu de mots.

“Je pense que cette génération est plus intéressée par la nouvelle que par le roman, sauf si on lui présente des romans courts, très courts”, a constaté l’enseignant-chercheur, affirmant que pour l’éblouir, il faut qu’on réinvente l’art d’écrire dans le sens de la précision, de la concision et du vital et qu’on fasse surtout aimer la lecture, et ceci est une autre paire de manches, un véritable défi à soulever.

Il ne s’agit pas de la juger, a tenu à mettre au clair Mokhtar Chaoui, mais de la comprendre, “puisque sa réalité n’est pas la nôtre et parce que c’est elle le futur”.

Mais face à toute cette métamorphose due principalement à l”‘intrusion” du digital, l’avenir du livre n’est-il pas menacé ? Qu’en est-il des droits d’auteur ?

A ce propos, le jeune écrivain, Mouad Moutaoukil, a mis en avant l’impératif de transmettre, en cette période délicate de transition et submersion par le numérique, l’importance du livre, surtout auprès des nouvelles générations.

Pour ce faire, il faut spécifiquement mettre en valeur le livre papier dans sa forme classique, a ajouté celui qui vient de publier un recueil intitulé “Amours” à seulement 23 ans.

“Nous ne devrions pas être en train de préparer les funérailles du livre classique, parce qu’il est, par unanimité des lecteurs, loin de mourir”, a-t-il poursuivi.

“Si le digital fait partie de l’humanité depuis une cinquantaine d’années, le livre écrit est là depuis des milliers d’années”, a-t-il tranché.

Tout ceci pour autant dire que le 23 avril, cette date ô combien symbolique pour la littérature universelle (disparition de Shakespeare et de Cervantès) a été choisie par la Conférence générale de l’UNESCO pour célébrer le livre et encourager chacun, en particulier les plus jeunes, à découvrir “le plaisir du texte”. Cependant, il ne faut pas négliger l’aspect du droit d’auteur, puisque les écrits précisément souffrent énormément de la révolution numérique qui permet à l’information d’être accessible d’une manière libre sur le net. Faut-il encore que les acteurs de ce secteur renouvellent leur modèle socio-économique pour remédier à ce problème.


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