L’Amitié Sino-Marocaine en Marche : Entre Business, Culture et Défis du XXIᵉ Siècle
Quand Rabat et Pékin Réinventent la Diplomatie du "Gagnant-Gagnant"

Par Fayçal El Amrani
Vendredi 30 mai 2025, l’ambassadeur chinois Li Changlin a débarqué à Marrakech avec un message clair : le Maroc et la Chine ne se contentent plus de partager une amitié historique ( depuis 1958 ) — ils veulent devenir des co-créateurs de futur . Invité aux Tribunes de Marrakech , un événement phare de l’Université Cadi Ayyad (UCA), il a dévoilé une vision ambitieuse : transformer ce partenariat en une alliance stratégique multidimensionnelle , entre usines d’énergies vertes, échanges étudiants et festivals culturels.
Économie en Marche : Quand Rabat et Pékin Dansent Main dans la Main
« Imaginez des voitures électriques BYD filant sur les autoroutes marocaines, alimentées par des éoliennes Goldwind… » C’est cette image que Li Changlin a peinte pour illustrer l’accélération des investissements chinois. En 2024, pas moins de 2,3 milliards d’euros ont été injectés dans des secteurs-clés : automobile (BYD), énergies renouvelables (Goldwind) et textile. Résultat ? 15 000 emplois locaux créés , et un Maroc qui ambitionne de devenir un hub logistique pour l’Afrique subsaharienne .
Le diplomate a martelé la complémentarité des deux économies : « Le Maroc maîtrise le solaire et l’agriculture durable, la Chine excelle en technologies vertes. Ensemble, on peut réinventer le développement global. » Un discours qui s’aligne sur les Nouvelles Routes de la Soie , ce projet géant visant à connecter continents et cultures. Mais derrière le verbe passionné, une réalité : comment éviter une dépendance excessive à la technologie chinoise ?
Campus Sans Frontières pour les Étudiants Marocains et Chinois
Exit les amphithéâtres poussiéreux. À Marrakech, les universitaires rêvent d’une alliance entre l’UCA et des géants comme Tsinghua ou l’Université de Pékin . Objectif ? Collaborer sur l’intelligence artificielle, la médecine régénérative ou l’agriculture de précision . « Nos étudiants travaillent déjà main dans la main sur des projets concrets. Ce sont eux qui façonneront le futur de notre partenariat, » affirme Belaid Bougadir, président de l’UCA.
Et les étudiants sont bien décidés à jouer le jeu. Lors de la conférence, un jeune ingénieur a osé demander à l’ambassadeur : « Et si on étudiait en Chine ? » Réponse immédiate : 500 bourses offertes en 2024 pour les Marocains, un pont vers des carrières internationales.
Culture, Tourisme et Festivals : Quand Fès et Marrakech Rencontre Pékin
Si les chiffres parlent d’économie, c’est la culture qui tisse les liens profonds. En 2024, une vague de touristes chinois a déferlé sur le Maroc (+40 %), attirés par les médinas de Fès et Marrakech. Inversement, le festival Mawazine a vu débarquer des artistes et publics chinois, curieux de découvrir les rythmes berbères.
Li Changlin, presque lyrique, a évoqué ces échanges comme « une conversation entre deux civilisations millénaires » . Un dialogue renforcé par des expositions d’art et de patrimoine, où les trésors marocains et chinois se mêlent dans des musées virtuels accessibles à tous.
« Notre but n’est pas de dominer, mais de co-créer. Aidons le Maroc à devenir un leader technologique, pas juste un consommateur. »
Li Changlin
Défis et Frictions : Le Coût Caché de la Coopération
Mais tout n’est pas rose. Derrière les succès économiques, un déficit commercial de 2,1 milliards d’euros pèse sur les épaules marocaines, alimenté par les importations massives de produits électroniques et industriels chinois. Certains experts s’inquiètent d’une dépendance asymétrique : le Maroc deviendra-t-il un simple marché, ou réussira-t-il à monter en gamme grâce aux transferts technologiques ?
Li Changlin a tenté de calmer le jeu : « Notre but n’est pas de dominer, mais de co-créer. Aidons le Maroc à devenir un leader technologique, pas juste un consommateur. » Une promesse qui reste à concrétiser…
Une Alliance en Construction, Entre Rêve et Réalisme
Avec 67 ans d’amitié derrière, Maroc et Chine ne veulent plus se contenter de symboles. Ils visent une relation mature , capable de conjuguer pragmatisme économique, respect culturel et équilibre stratégique. Comme l’a conclu Li Changlin : « Notre amitié n’est pas un héritage figé, mais une promesse vivante pour demain. »
Reste à voir si ce rêve commun résistera aux tempêtes géopolitiques… Mais une chose est sûre : le Maroc et la Chine ont décidé de danser ensemble , quitte à inventer leurs propres pas.
Au-delà des accords commerciaux et des discours officiels, ce partenariat pourrait inspirer une nouvelle manière de faire de la diplomatie dans un monde en recomposition.
Et si cette alliance sino-marocaine devenait un modèle pour d’autres pays du Sud global ? Un exemple de coopération où les intérêts nationaux ne s’opposent pas aux ambitions collectives, où le développement économique ne sacrifie pas la souveraineté, et où la culture devient un langage universel.