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L’Algérie, à l’ère de la délation impunie

Taieb Dekkar


 

L’Algérie, par certains côtés, renoue avec la triste ère de la délation, quand des collaborateurs algériens des autorités coloniales étaient assassinés, et ce, au point d’administrer dans le psychique des Algériens, une hostilité intérieure profonde à cette pratique de traitrise, qui a ressurgi lors de la décennie noire par le refus des Algériens de dénoncer des islamistes.

 

Les Algériens ont une longue histoire avec la délation. Ils étaient surement très nombreux à dénoncer leurs compatriotes auprès des autorités coloniales. Des campagnes de liquidation physique furent engagées, provoquant la peur et la crainte, qui ont ressurgi lors de la décennie noire.

 

Tout Algérien qui connait un Marocain, résidant dans le voisinage ou travaillant en Algérie, s’expose à des poursuites pénales, s’il ne le dénonçait pas immédiatement après l’instauration du Visa, auprès des services de sécurité

Aujourd’hui, ce sont des appels à la délation contre les Marocains, en situation irrégulière, vivant en Algérie, qui sont ciblés par cette campagne de délation. «Tout Algérien qui connait un Marocain, résidant dans le voisinage ou travaillant en Algérie, s’expose à des poursuites pénales, s’il ne le dénonçait pas immédiatement après l’instauration du Visa, auprès des services de sécurité », indique un influenceur algérien établi à Londres, dont on ne connait ni la religion, ni le profil idéologique.

La discrimination envers les Marocains en Algérie

Nous savons que les Marocains résidant en Algérie avec des conjoints algériens, n’ont pas droit d’accès à la propriété, contrairement aux Algériens du Maroc. S’ils sont étudiants en Algérie, issus de parents marocains résidant en Algérie, ils n’ont pas droit au travail dans le secteur public, même s’ils ont vécu en Algérie depuis leur naissance. La Nationalité algérienne s’acquiert par filiation (par le sang) comme il était d’usage en Allemagne, avant la refonte du code de la nationalité par le chancelier Gerhard Schroeder.

Si vous êtes Marocains et que vous vivez en Algérie, depuis bien avant l’indépendance de l’Algérie, vous resterez Marocains toute votre vie, sauf des cas exceptionnels, alors que chez nous, une immense majorité des Algériens qui vivaient au Maroc ont obtenu la nationalité marocaine, dont des stars de la chanson ou du sport. Ils furent d’ailleurs jugés de traitres par les caciques d’Alger. Les enfants de père marocain et de mère algérienne sont considérés comme étant algériens, à l’exclusion de leur père.

Tous les Marocains vivant en Algérie sont par ailleurs considérés par ce système rétrograde et archaïque comme des espions du « Makhzen ». Le correspondant de la MAP à Alger, que je fus dans le temps (1989-1995/2003-2006) avait été présenté comme tel dans un article du journal El Moudjahid, écrit par un responsable de l’Union de la jeunesse algérienne, issue du FLN décadent.

Un risque de chasse aux Marocains similaire à 1975

Ce qu’il y a lieu de redouter, c’est que le véritable Makhzen algérien, rétrograde, véhément, vindicatif et anti-populaire, ne déclenche une deuxième et vaste campagne de chasse aux Marocains, comme en 1975, dans ce pays, si éloigné de nous sur le terrain des valeurs humaines universelles, mais paradoxalement proche de nous en géographie.

Il y a malheureusement parmi nos compatriotes, des gens qui se dirigent vers cette destination, par ignorance et méconnaissance et qui s’exposent, souvent, au chantage et aux risques d’arrestation. Ils sont surtout des artisans, qui travaillent dans les métiers de Zellij, de décoration au plâtre, et la boiserie, des métiers très prisés dans ce pays, surtout par les notables, qui font appel donc à des artisans marocains et qui, parfois, les menacent de les dénoncer aux forces de sécurité, s’ils refusaient de faire le travail aux prix proposés. Ces artisans disposaient, comme tout autre étranger, d’un délai de séjour régulier de trois mois, au-delà duquel, ils devraient quitter le pays et rentrer à nouveau, pour proroger le séjour d’un délai supplémentaire.

Des espions parmi les artisans marocains ?

Je me rappelle parfaitement que des ministres algériens, rencontrés à la résidence du Maroc à Alger, tiraient une grande fierté de pouvoir enfin engager des artisans marocains pour la décoration de leurs maisons dans le style ancestral marocain. Ces ministres savaient plus que tout autre algérien, que ce travail artisanal était authentiquement marocain.

 

A la date de l’instauration du visa, ces artisans devaient donc être à jour à l’égard des services de sécurité. Une des prouesses de la gendarmerie algérienne est d’avoir intercepté ces dernières semaines, parmi ces artisans de niveau très modeste, « des espions » aux services du Maroc ! Qu’est-ce qu’ils auraient bien pu rapporter au Maroc ? Que les Algériens font de longues files pour se procurer leurs rations de lentilles et se réveillent à quatre heures du matin, pour aller se bousculer dans l’espoir de pouvoir décrocher un carton de lait ! Il s’agirait là de secrets d’Etat !

 

Par Taieb Dekkar

journaliste et écrivain


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