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La guerre en Ukraine: L’acteur et le dictateur

La Russie du président Vladimir Poutine envahit l’Ukraine de Volodymyr Zelensky. Une attaque préparée depuis des années par le Kremlin qui prend acte aujourd’hui de sa stratégie d’expansion territoriale devant l’impuissance mondiale qui donne dans une littérature stérile et une rhétorique éculée. Le premier est un despote et un autocrate qui compte comme état de service un long passage dans les services secrets russes, le KGB. Le deuxième est un acteur de théâtre dont c’est aujourd’hui le baptême de feu et le rôle de sa vie.
Entre l’acteur et le dictateur, une guerre inégale se joue.

La pièce de théâtre est tragique. Elle n’est composée que d’un seul acte, avec deux protagonistes aux antipodes l’un de l’autre. Le premier occupe avec force les devants de la scène mondiale et se prénomme Vladimir. Le deuxième est réduit aux coulisses et porte le prénom de Volodymyr. Le premier va bientôt fêter ses 70 ans. Le deuxième en a 44. Le premier assume son rôle de despote et d’autocrate et menace tout le monde à tour de bras. Le deuxième joue la carte du président modeste, de celui qui a les pieds sur terre et toute la tête sur les épaules, de celui qui sait d’où il vient et qui sait surtout où il ne veut pas aller, c’est-à-dire vers la sortie par la petite porte dérobée. Le premier multiplie les insultes traitant le gouvernement ukrainien de ramassis de «drogués» et de «nazis» appelant les soldats de Kiev à se retourner contre leur président, à fomenter un putsch et à renverser le régime en place. Le deuxième se filme par smartphone interposé, avec ses plus proches collaborateurs, affichant un sourire forcé et appelant à la résistance et au soutien de tous les Européens qui veulent bien aider les Ukrainiens face à l’envahisseur russe en prenant les armes et en se battant pour la libération d’un pays occupé de force.

Vladimir Poutine envahit une nation souveraine et veut renverser un régime élu démocratiquement par les urnes. Il impose sa loi et met au défi l’Europe, le Conseil de sécurité de l’ONU et l’OTAN de réagir brandissant le spectre de la guerre totale, dans un élan vers le pire scénario envisageable, à savoir l’usage de l’arme nucléaire s’il devait en arriver là.
Vladimir Poutine en est-il capable? Sans l’ombre d’un doute. Cet homme est capable de l’inimaginable. Et il le montre depuis plus de vingt ans de règne sans partage assujettissant qui il veut, jetant en prison toute velléité d’opposition et muselant des médias réduits soit au silence soit à l’exil.

Dans la logique de Vladimir Poutine, après tout, son ennemi de toujours, les États Unis d’Amérique ont bien utilisé, en 1945, au Japon, la bombe sale, avec le massacre inhumain et barbare de Hiroshima et Nagasaki alors que l’issue de la deuxième guerre mondiale était bel et bien pliée en faveur des alliés et surtout de Washington. Sans oublier non plus de souligner que ceux qui s’indignent aujourd’hui face à la «folie» de l’homme fort du Kremlin traînent derrière eux de lourds passifs en termes d’injustice et des casseroles tonitruantes que l’opinion publique n’oubliera pas de sitôt: l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan par les USA envoyant balader une communauté internationale incapable de l’en dissuader sans parler de l’Europe qui a plongé des pays comme la Libye et la Syrie dans le chaos sans aucun espoir de paix ou de stabilité retrouvées. Quant à l’allié de Moscou, la Chine, l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourra servir d’amorce et de justification d’une probable invasion de Taïwan, un territoire convoité depuis plusieurs décennies par une Chine hégémonique et intraitable. Tout comme l’abstention de l’Inde lors du vote au Conseil de sécurité de l’ONU emboîtant le pas à Pékin et laissant la porte ouverte à toute opportunité à saisir dans son conflit larvé et hautement radioactif contre le Pakistan pour le territoire disputé du Cachemire.

La loi du plus fort

Face à la dérision affichée crânement par le président presque à vie de la Russie, Vladimir Poutine, l’Union européenne, dans sa multiple diversité et dans ses nombreuses divergences, montre encore une fois toute l’étendue de sa faiblesse et toute la dimension de sa frilosité se perdant dans des gesticulations et autres effets de manches, entre condamnations et menaces de sanctions, le tout mâtiné d’une rhétorique anachronique et sans le moindre signe de force de conviction, à l’exception du Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui a, sans ambages, traité Vladimir Poutine de «dictateur». Mais sans plus.

La belle affaire! Le reste des déclarations et des sorties médiatiques des autres chefs d’États de cette Europe à plusieurs visages, verse dans les clichés habituels dits et redits, répétés et ressassés, sans la moindre incidence ni le moindre impact sur les réalités du terrain puisque l’armée russe marche à pas lourds sur Kiev pour mettre toute résistance à genoux.

On le comprend bien, c’est depuis plusieurs années la norme dans cette Europe à plusieurs vitesses. C’est la simpliste réalité de ces Européens qui n’ont pas réagi lors des deux guerres de Tchétchénie. Ils n’ont pas levé le petit doigt lors de l’invasion de l’Ossétie du Sud par Vladimir Poutine. Ils n’ont rien fait non plus après le conflit en Abkhazie et en Géorgie. Ils ont montré qu’elles étaient leurs limites quand Moscou a annexé la Crimée, toujours par le même homme fort du Kremlin qui se donne aujourd’hui toute latitude de penser, à juste titre d’ailleurs, que l’Europe jouera encore le rôle dans lequel elle excelle le plus, à savoir celui du spectateur inerte et médusé. Ce qui arrange les affaires d’un homme politique pour qui la guerre et le bruit des bottes sont un credo infaillible. Issu du KGB et des rituels assassins de la Guerre froide, Vladimir Poutine est dans son élément et envisage cette opération d’invasion d’un pays souverain au nez et à la barbe du monde entier, comme un bras de fer et comme une démonstration de force, le tout couplé à une manifeste balade de santé pour les caciques de l’armée rouge qui s’en donnent à cœur joie pour mater les Ukrainiens.

Égoïsme européen

Face à l’immobilisme du monde qui regarde sans bouger la chute d’un état souverain au cœur de l’Occident, l’armée russe a reçu l’ordre, samedi 26 février 2022 d'”élargir son offensive” sur l’Ukraine “dans toutes les directions, en conformité avec le plan de l’offensive”, pour quadriller le pays et affaiblir ses défenses du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, dans une stratégie claire de harceler le peu de soldats ukrainiens capables de lui tenir tête. C’est aussi une tactique militaire aussi vieille que la race humaine qui consiste à faire paniquer les populations pour qu’elles se retournent contre leur propre régime en collaborant avec l’envahisseur.

Une situation qui suscite à la fois l’indignation et la colère comme cela est le cas de Mateusz Morawiecki, le premier ministre polonais, pays voisin et frontalier de l’Ukraine recevant déjà plusieurs milliers de réfugiés qui ont fui les bombardements et la destruction de leurs maisons. En visite chez le voisin allemand, le Premier ministre polonais a dénoncé, “l’égoïsme en béton” de certains pays occidentaux, “y compris ici, en Allemagne”, après l’invasion russe de l’Ukraine. “Je suis venu ici, chez le chancelier Olaf Scholz, pour ébranler les consciences, ébranler la conscience de l’Allemagne. Pour qu’ils [les Allemands] se décident finalement à imposer des sanctions vraiment écrasantes” contre la Russie, a asséné Mateusz Morawiecki qui résume ici la mollesse des dirigeants européens, attentistes et discrets quand il s’agit de prendre leurs responsabilités en main et de montrer à la Russie qu’elle ne peut envahir qui elle veut impunément.
Ce qui est aujourd’hui le cas malgré les discours oiseux et les concertations stériles et vides de sens face à un président qui est entré dans une autre logique, celle de la guerre. Et cette guerre, Vladimir Poutine veut l’emporter pour justifier la suite de sa stratégie expansionniste.

L’empire soviétique

Vladimir Poutine ne s’en cache pas depuis son avènement au trône de la «sainte Russie». Il n’a jamais accepté le démantèlement et la chute de l’URSS. Un déclin qu’il qualifie à chaque sortie de la «plus grande catastrophe géopolitique et géostratégique de l’histoire de la Russie» jurant et promettant à ses lieutenants de reconstruire la «grande Russie», coûte que coûte, même en déclenchant un conflit militaire mondial allant jusqu’à brandir la menace nucléaire comme arme ultime pour la solution finale à la russe.

Avec des pays vassaux comme la Biélorussie, comme la Tchétchénie, comme le Kazakhstan, comme l’Ossétie, comme l’Abkhazie, comme la Géorgie réduite au silence et marchant au pas, comme d’autres pays gaziers de la Mer Caspienne comme l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan et d’autres régimes totalitaires de l’Asie Centrale, avec l’annexion de la Crimée et de l’ensemble du territoire ukrainien, il reste les pays baltes, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, qui font, depuis leur indépendance dans les années 90 du siècle dernier, l’objet de menaces et d’attaques cybernétiques à répétition à la fois pour les intimider et pour nourrir la propagande russe qui appelle au retour de ces trois pays indépendants sous la coupe du Kremlin. Un projet dont Vladimir Poutine ne se cache pas du tout le rappelant à chaque meeting politique remettant sur la table cette erreur fatale signée Gorbatchev nommée Perestroïka et l’implosion de l’Union Soviétique sous le chaotique mandat de Boris Eltsine, deux présidents que l’ex-agent du KGB traite de faibles et de traîtres à l’âme de la nation russe.
C’est cette même logique qui fait dire à Vladimir Poutine que le territoire ukrainien fait partie intégrante de la mère patrie russe et qu’il est légitime, selon lui, de rectifier les erreurs de l’histoire en rétablissant l’ordre selon le Kremlin. Avec cette grande stratégie qui ne peut concevoir la Russie qu’à travers une vision géopolitique articulée autour de trois axes principaux : le territoire occidental, qui va de la Baltique aux Carpates, le territoire méridional, qui s’étend du Danube aux montagnes de Perse et le territoire oriental qui va de la Volga à l’Altaï.

Cette reconstitution de l’empire soviétique marquera, toujours selon Vladimir Poutine, la mise sur pied du plus grand pôle économique et militaire de l’Eurasie. Avec bien entendu la Chine comme co-puissance régionale et comme allié inconditionnel. Ce qui explique l’abstention, prévisible du reste, de Pékin lors du vote au Conseil de sécurité de l’ONU, le 25 février 2022, un retrait auquel s’ajoute celui de l’Inde, qui s’aligne aujourd’hui sur le clan le plus fort, à savoir l’axe Moscou-Pékin. C’est dire tout le projet régional euro-asiatique qui peut devenir effectif sans l’Europe des 27 dont Moscou se passe de manière «tsariale» pour ainsi dire.

La loi des armes

Aujourd’hui, les dés sont jetés. L’Ukraine, à moins d’un miracle, ce qui n’arrive jamais en termes de guerre, sera russe face à l’impuissance et de l’Union européenne, de l’OTAN et des USA, qui peuvent redoubler de littérature éculée sur le sort d’un peuple écrasé par une puissance militaire qui commence avec cette invasion le premier acte d’un large programme hégémonique. Dans cette logique implacable des armes, Vladimir Poutine reste égal à lui-même et incarne jusqu’aux moindres détails son rôle de tyran et de dictateur.

Volodymyr Zelensky, de son côté, sait qu’il doit montrer à son peuple que le costume de président n’est pas large pour lui, ni celui du résistant militaire. Le premier sème la guerre. Le second court après la paix. L’histoire, elle, n’a aucune logique. Elle retient toujours et uniquement la version du triomphant.
Dans ce sens, John Steinbeck avait écrit un jour ces mots qui sonnent si vrais aujourd’hui: «toute guerre est la preuve ultime de la faillite de l’homme en tant qu’animal pensant». C’est la règle de l’histoire humaine. Cela a été vérifié à toutes les époques qui ont donné corps à la barbarie humaine dans ce qu’elle a de plus insoutenable. C’est ce qui se joue aujourd’hui devant nos yeux en Ukraine, qui ouvre un nouveau chapitre noir dans l’histoire de l’Europe et de l’humanité.


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