La corruption, l’araignée qui tisse sa toile
Un piège invisible qui freine le Maroc
Par Yassine Andaloussi
La corruption demeure le principal fléau qui a contaminé les circuits administratifs au Maroc, provoquant des lacunes profondes et durables dans la structure de l’État. Elle agit tel un mal silencieux qui se propage dans tous les recoins de la société, affaiblissant les institutions et déformant les valeurs du service public. On peut la comparer à une araignée géante qui a tissé une toile si vaste qu’elle recouvre plusieurs secteurs vitaux du pays. Cette toile, bien que souvent invisible, piège le développement, étouffe l’efficacité et freine la confiance du citoyen envers l’administration.
La toile s’étend sur des domaines essentiels comme la santé, l’éducation, la justice ou les marchés publics. Chaque fil représente une petite compromission, un acte de négligence, un avantage accordé en dehors des règles. Ces fils entremêlés forment un réseau dense qui immobilise la réforme. Les conséquences se manifestent dans la lenteur administrative, les injustices, le favoritisme et le gaspillage des ressources publiques. Le pays se retrouve alors freiné dans sa marche vers le progrès et la modernité.
Dans le secteur de la santé, les effets de la corruption sont visibles dans la mauvaise gestion des budgets, le détournement de matériel médical et le favoritisme dans les recrutements. Les hôpitaux manquent d’équipements, les soins deviennent inaccessibles pour les plus modestes et la qualité du service se détériore. Le citoyen perd peu à peu confiance en un système censé le protéger. Au lieu de garantir le droit à la santé, le système se transforme en une épreuve où seule la relation personnelle peut parfois ouvrir les portes fermées.
L’éducation n’échappe pas à ce phénomène. Les marchés publics liés à la construction des écoles ou à la fourniture du matériel pédagogique se trouvent souvent affectés par des pratiques opaques. Les nominations reposent parfois sur les liens plutôt que sur la compétence. Le favoritisme dans les concours ou la complaisance dans certaines décisions créent un sentiment d’injustice. L’école, censée être un espace d’égalité et de mérite, devient le reflet des déséquilibres sociaux. Ce climat décourage les élèves, démotive les enseignants et affaiblit la confiance dans l’avenir.
La corruption a également un coût économique considérable. Les fonds détournés, les projets retardés et les décisions influencées par des intérêts personnels privent le pays d’une partie de sa richesse. Ce manque d’intégrité freine l’investissement, décourage l’innovation et entretient la pauvreté. Dans un monde où la transparence attire les partenaires économiques, le Maroc a tout à gagner à éradiquer ce mal profond.
La lutte contre la corruption représente un chantier national à la fois moral et institutionnel. Les lois et les organismes créés pour y faire face ne peuvent réussir que si une réelle volonté politique anime leur application. Le renforcement du contrôle, la digitalisation des services publics et la transparence dans la gestion des affaires administratives constituent des pas importants. Mais l’essentiel reste la transformation des mentalités. Tant que certains considéreront la corruption comme une habitude ou un moyen d’accélérer les procédures, les efforts resteront limités.
Le service public doit redevenir un espace d’honneur et de responsabilité. Le fonctionnaire doit sentir que sa mission dépasse le simple accomplissement d’une tâche. Il doit se percevoir comme le gardien de l’intérêt général, au service d’une nation qui lui fait confiance. Une meilleure formation, une rémunération juste et une culture de mérite peuvent contribuer à restaurer cette dignité.
Le citoyen, de son côté, doit participer activement à ce combat. Le silence et la résignation nourrissent la corruption. La dénonciation, la vigilance et l’engagement civique doivent remplacer l’indifférence. La société civile, les médias et les associations jouent un rôle essentiel dans la construction d’une culture de transparence et de responsabilité.
Un Maroc débarrassé de la corruption serait un Maroc plus juste, plus fort et plus confiant. Chaque dirham investi servirait réellement à améliorer la vie collective. Chaque citoyen aurait la certitude que le service public agit selon l’intérêt commun. Le développement économique, social et culturel gagnerait en cohérence et en efficacité.
L’éradication de la corruption exige du courage, de la persévérance et une alliance solide entre l’État et la société. Ce combat ne se limite pas à un enjeu administratif. Il concerne la dignité nationale, la justice sociale et la confiance collective. Détruire la toile tissée par la corruption, c’est libérer les énergies créatrices du pays, redonner espoir aux citoyens et ouvrir la voie à une réforme durable. Le Maroc ne pourra progresser que lorsque cette toile aura disparu, laissant place à une administration intègre, transparente et dévouée au bien commun.
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