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Gaza : Trêve sous condition, paix en captivité

Par Mohammed Taoufik Bennani


Le cessez-le-feu annoncé le 8 octobre 2025 marque une inflexion sans certitude. Israël et le Hamas ont validé la première phase du plan américain pour Gaza : retrait partiel, libération d’otages et ouverture des couloirs humanitaires. Mais derrière la trêve se joue une bataille politique qui redessine les rapports de force régionaux et teste les limites d’un projet de paix encore prisonnier des otages.

 

Deux ans après les attaques du 7 octobre 2023, le bruit des bombardements s’est enfin tu. Depuis la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé une trêve immédiate, arrachée au terme de semaines de négociations menées entre Washington, Le Caire, Doha et Ankara. L’accord prévoit un cessez-le-feu total, un retrait progressif des troupes israéliennes et la libération d’otages détenus à Gaza contre plusieurs centaines de prisonniers palestiniens. Les premières 72 heures serviront de test, avec une première vague d’échanges placée sous supervision de la Croix-Rouge et des observateurs turcs et qataris.

L’image d’un président américain signant la paix sur fond de décombres réactive les paradoxes d’un leadership qui se veut pragmatique : rétablir la stabilité sans trancher le nœud politique. Le plan Trump – Netanyahou prétend solder la guerre, mais il reporte le fond du conflit. La trêve suspend les bombes, pas les déséquilibres. Israël conserve ses exigences sécuritaires et conditionne tout retrait durable à la démilitarisation complète du Hamas. Celui-ci, affaibli mais pas défait, veut transformer la séquence humanitaire en victoire politique, convaincu que chaque otage libéré renforce sa légitimité. L’un libère pour desserrer l’étau diplomatique, l’autre négocie pour survivre.

Sur le terrain, les médiateurs égyptiens orchestrent le redéploiement des convois humanitaires tandis que le Qatar assure les transferts d’otages et la circulation des secours. Les premiers camions de l’ONU ont franchi Rafah, apportant vivres et médicaments à une population privée d’eau et d’électricité depuis des mois. Les 40 000 personnes encore déplacées vers le sud de Gaza ont entamé un retour précaire vers des quartiers rasés. Le mot “reconstruction” reste abstrait, tant les infrastructures civiles sont inexistantes.

Cette trêve a la portée d’un souffle, pas encore celle d’un tournant. Car la paix de Trump reste d’abord une équation américaine. Derrière la rhétorique des “faiseurs de paix”, la Maison-Blanche impose son tempo, mêlant ultimatums diplomatiques et promesses économiques aux alliés arabes. L’Égypte obtient un rôle central dans la coordination sécuritaire du Sinaï. Le Qatar en récolte les dividendes politiques, en échange de son canal historique avec le Hamas. L’Europe, soucieuse d’éviter un nouvel exode, soutient la trêve sans l’illusion d’une paix durable.

Le cœur du problème n’a pourtant pas changé : aucun plan n’aborde clairement la question de la souveraineté palestinienne. L’après-guerre demeure flou : qui administrera Gaza ? Qui garantira la sécurité ? Et surtout, quelle reconnaissance pour un peuple qui survit entre décombres et blocus ? La paix reste un mot suspendu tant que les otages symbolisent l’équilibre des concessions. Cette équation morale et politique enferme la région dans une spirale où la diplomatie s’épuise à gérer l’urgence sans régler la cause.

La trêve d’octobre 2025 est un acte de respiration, pas encore une solution. Si les échanges d’otages se déroulent sans rupture et si les 72 heures de transition ouvrent la voie à un cessez-le-feu durable, elle deviendra peut-être un jalon vers un nouvel équilibre. Sinon, elle ne sera qu’une pause entre deux guerres. Dans un monde où la paix se négocie désormais otage par otage, Gaza rappelle que le droit et la dignité ne se marchandent pas.


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