France-Algérie : Les dérives de l’amateurisme

Par Hamza Abdelouaret
Rien ne va plus entre Paris et Alger. Il a suffi de quelques mois pour que le divorce entre les deux pays soit consommé, dans la tourmente, dans le conflit et les accusations qui fusent de part et d’autre de la Méditerranée. L’alliance anti-marocaine a très vite volé en éclats. Fragile entente sur la base d’une hostilité partagée entre le président Emmanuel Macron et les militaires algériens dans le but affiché et assumé de perturber la lancée du Maroc à la fois sur le continent africain, dans le Monde arabe et avec les différents partenaires du Maroc, des USA, à la Russie, en passant par la Chine, l’Inde, l’Espagne, l’Allemagne et une large partie de l’Union européenne.
On s’en souvient, tout a explosé entre la France et l’Algérie à cause du cas Amira Bouraoui, une oppo-sante du régime des généraux algériens, qui a pu échapper à la répression et même au pire s’elle était tombée entre les mains des barbouzes d’Alger. Son passage en Tunisie avant de rejoindre Lyon en France, aidée par les services français a provoqué l’hystérie chez les Algériens. Dans la foulée, Alger a rappelé pour « consultations » son ambassadeur à Paris en dénonçant le rôle joué par la France qui, pour le président Abdelmajid Tebboune est une «exfiltration clandestine et illégale d’une ressortis-sante algérienne» réclamée par la justice de son pays. Une déclaration émanant de la présidence, très vite relayée par le ministère algérien des affaires étrangères qui a insisté sur «la ferme condamnation par l’Algérie de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’État français». Les officiels français, de leur côté affirment qu’ils ont le droit d’user de leurs prérogatives consulaires et de remplir leurs fonctions selon le bon vouloir de Paris. Ré-ponse sèche qui sonne le glas de l’amourette entre Macron et Tebboune qui tourne vite aux re-proches, à l’insatisfaction, aux bouderies et autres simagrées de ce genre.
Voici pour les échanges d’amabilités entre les deux ex-amis. Pourtant, il est clair que Paris devait pren-dre position tôt ou tard sur les droits de l’Homme en Algérie et les centaines d’opposants incarcérés injustement pour avoir manifesté leur désaccord dans les rues des villes algériennes. D’ailleurs,
L’exil forcé de la journaliste Amira Bouraoui n’est que la partie émergée de l’Iceberg policier et totali-taire qui sévit en Algérie muselant toute opposition et menaçant des milliers de familles de repré-sailles. Une situation intenable qui montre à quel point le chaos est proche en Algérie qui n’arrive plus à faire illusion ni à colmater les brèches occasionnées par des mouvements de contestation et de protes-tation de plus en plus virulents, avec l’intensification de la répression en cours en Algérie contre les noyaux résiduels du Hirak qui dure depuis 2019, malgré le blackout, malgré les camouflages de façade de la part du régime totalitaire d’Alger. Autrement dit, Emmanuel Macron, qui a effectué deux visites en Algérie en multipliant les gestes d’amitié à l’égard d’un pays désigné comme dangereux pour la sta-bilité de toute la région par la majorité de la communauté internationale, le président français qui a embrasé davantage le conflit dans le Maghreb en jouant la carte d’un État policier sur la fin, devait cé-der aux pressions internes à Paris qui lui demandaient des comptes sur son silence par rapport à la question du Hirak et de la mise sous muselière de milliers de victimes du régime algérien. La réponse tardive a eu lieu mais toujours dans la précipitation et sous une forme amateure de Realpolitik qui en dit long sur l’état d’esprit au sein de l’Élysée, marqué par les non-sens à répétition, par les hésitations et beaucoup de dilettantisme. C’est cet amateurisme qui explique aujourd’hui la débâcle que subit la France à tous les niveaux. Car, aujourd’hui tous les indicateurs sont au rouge en France, et ce, depuis quelques années. Des problèmes enchevêtrés. Des crises à répétition. Une grogne sociale de plus en plus généralisée. Un climat politique délétère. Une économie bancale. Des valeurs humaines en perdi-tion…
Dans une large mesure, la France est aux abois. Et ce à plus d’un égard et à tous les niveaux : politique, social, humain, économique, financier, environnemental… Depuis 2008, malgré les déclarations des uns et des autres pour faire changer le curseur aux populations, malgré les effets de manche, la crise s’aggrave et s’approfondit dans une France en perte de vitesse à la fois en Europe et en Afrique, son principal vivier économique. Récession, chômage, pouvoir d’achat en berne, crise énergétique, déficit en exportations, couacs gouvernementaux, amateurisme de la part d’une nouvelle classe politique inexpérimentée, le tout couplé à une grande inclination pour l’amateurisme et la formule facile pour juguler une crise multidimensionnelle qui ne peut se résorber par la phraséologie ni par les fausses promesses.