Emploi, salaires, formation : Le Maroc amorce un virage social décisif
Revalorisation salariale, inclusion et réforme : les chantiers sociaux de 2025
Par Mohammed Taoufiq Bennani
À l’occasion du 1er mai 2025, une date symbolique pour les travailleurs, et juste après une réunion décisive tenue la veille à Rabat, le paysage de l’emploi et de la fonction publique est en pleine mutation. Au cœur de cette transformation, Younes Sekkouri, Ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, s’affirme comme un acteur majeur, guidant des réformes profondes visant à concilier équité sociale, modernisation économique et efficacité gouvernementale. Sa vision repose sur l’équité salariale, l’inclusion des populations vulnérables et l’adaptation du capital humain aux besoins de l’économie.
Une revalorisation sans précédent dans le secteur public
Un des piliers de l’action ministérielle concerne la fonction publique. M. Sekkouri a annoncé, à l’occasion du 1er mai, que « le salaire mensuel net moyen passera de 8.237 dirhams en 2021 à 10.100 dirhams début 2026 ». C’est une hausse notable. De plus, le salaire minimum net dans le secteur public, qui était de 3.000 dirhams ces cinq dernières années, « passera de 3.000 dirhams à 4.500 dirhams ». Ces augmentations visent à réduire les écarts et à améliorer concrètement les conditions de vie de centaines de milliers de fonctionnaires. Les efforts du gouvernement répondent directement « aux orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ».
Des accords sectoriels pour réparer les injustices
Le ministre a souligné que des accords spécifiques ont été conclus dans plusieurs secteurs pour « corriger une situation inappropriée et de réparer l’injustice qui affectait la famille enseignante » et d’autres catégories.
Dans le secteur de l’éducation, un budget considérable de 17 milliards de dirhams a été mobilisé. Cela a permis une augmentation générale de « 1.500 dirhams bénéficiant à 330.000 fonctionnaires du ministère de l’Education, y compris le personnel enseignant ». Environ 12.000 fonctionnaires de grade « excellent » ont également bénéficié d’indemnités spécifiques. M. Sekkouri a précisé que le dernier accord de décembre 2023 est mis en œuvre à 80% fin avril 2025, et que le dialogue se poursuit pour suivre tous les engagements.
Le secteur de la santé, qui a « beaucoup apporté au Maroc », a vu un coût financier global de 3,5 milliards de dirhams dédié au dialogue social. Cela a inclus une augmentation de salaire de « 500 dirhams au profit des infirmiers et infirmières, ainsi qu’une augmentation de salaire pour le personnel administratif ». Le processus de promotion a été amélioré. L’indemnité des risques professionnels a été augmentée pour le personnel infirmier, administratif et technique, et, pour la première fois, elle a été étendue aux professeurs chercheurs affiliés au ministère de la Santé. Cette dernière mesure a été inscrite dans un décret adopté en Conseil de gouvernement la semaine dernière. De plus, un statut spécial pour l’Autorité des Attachés Scientifiques prévoit une augmentation nette de 1.800 dirhams des salaires mensuels, rétroactive au 1er janvier 2023 et répartie en trois tranches.
Enfin, dans l’enseignement supérieur, le dialogue sectoriel a coûté environ 2 milliards de dirhams, permettant des augmentations de salaire pour quelque 15.000 enseignants chercheurs.
Une feuille de route ambitieuse pour l’emploi
La vision du ministre s’étend bien au-delà de la fonction publique. Le 30 avril 2025, une réunion importante présidée par le Chef du gouvernement à Rabat a marqué un tournant pour la mise en œuvre de la feuille de route de l’emploi.
Une « nouveauté majeure en matière de politiques de l’emploi » a été annoncée : pour la première fois, les entreprises qui emploient de jeunes sans diplôme bénéficieront d’un soutien. Ce soutien prendra la forme de subventions, « soit pour le paiement des salaires de cette catégorie, soit pour leur formation, ou les deux à la fois ». C’est une avancée importante pour l’inclusion des jeunes souvent marginalisés sur le marché du travail.
Une réforme fondamentale de la formation professionnelle est également en cours. L’objectif est d’augmenter le nombre de bénéficiaires de la formation professionnelle par palier de 30.000 à 100.000, notamment dans des secteurs porteurs comme l’automobile, le textile et la construction. Une innovation clé est l’introduction d’une formation post-bac de trois ans. Elle comprendra une première année dédiée à l’apprentissage des langues et des compétences générales (soft skills) pour mieux répondre aux attentes des employeurs et aux besoins de créneaux comme le tourisme.
La réunion du 30 avril a aussi abordé la mise en place de mécanismes de mobilité professionnelle. L’idée est de transférer les travailleurs des secteurs qui ont un excédent de main-d’œuvre vers ceux qui en manquent, grâce à des formations ciblées.
L’ensemble de cette feuille de route du secteur de l’emploi, composée de huit initiatives concrètes, dispose d’une enveloppe budgétaire d’environ 15 milliards de dirhams.
Une stratégie sociale globale intégrée
Les actions de Younes Sekkouri s’inscrivent dans une vision sociale plus large, en phase avec les orientations royales. Deux projets royaux majeurs illustrent cette approche intégrée :
- Le programme d’aide sociale directe : Le nombre de bénéficiaires a déjà atteint « 3,9 millions de familles à travers le Maroc » selon une procédure claire voulue par Sa Majesté le Roi. Le budget alloué était d’environ 27,1 milliards de dirhams à fin 2025, et il atteindra « 29,4 milliards de dirhams à partir de 2026 ».
- L’aide directe au logement : Lancée en janvier 2024, elle a déjà enregistré environ « 130.000 demandes », dont environ 25% proviennent de Marocains résidant à l’étranger. Le budget global consacré à ce programme royal est de 3,5 milliards de dirhams.
Ces mesures complètent d’autres chantiers importants comme la réforme des hôpitaux et le projet Royal de généralisation progressive de la protection sociale. Ce dernier vise à garantir que tous les citoyens bénéficient du même panier de services, qu’ils cotisent ou qu’ils soient inscrits au système de solidarité « AMO TADAMOUN ». Ces initiatives constituent des éléments essentiels d’un filet de sécurité moderne et durable.
Vers un nouveau pacte social
À travers cette série de mesures concrètes et coordonnées, Younes Sekkouri, souvent qualifié d' »architecte » et d' »artisan clé », confirme son rôle central dans la mise en œuvre d’une politique de l’emploi ambitieuse et sociale. Son approche repose sur des piliers clairs : l’équité salariale, l’inclusion des populations vulnérables et l’adaptation du capital humain aux besoins de l’économie.
Face aux défis persistants du chômage, de la précarité et des déséquilibres, cette stratégie représente une tentative significative de redonner sens à la notion de travail au Maroc. Les actions enclenchées en 2025 jettent les fondations d’une potentielle transformation vers un marché du travail plus inclusif, agile et humain, ouvrant la voie à ce qui pourrait devenir un nouveau pacte social au Maroc, centré sur la dignité, la compétence et la justice.
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