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Don d’organes: Un acte de générosité pour une vie reconstruite


Fatima s’est libérée de la dépendance de la machine et s’est débarrassée de ses peurs pour récupérer sa perte d’autonomie. Somme toute, elle a retrouvé une vie normale après des années de souffrances, de désespoir et de doute, suspendue qu’elle était à la “bienveillance” de la dialyse.

Cette grosse machine faisant office de rein artificiel extérieur et devenue un compagnon fidèle de milliers de malades avec son lot d’examens, de perfusions, de pénibles séances de nettoyage du sang, remplace, certes, l’organe vital défaillant mais impacte, à divers degrés, la qualité de vie des patients.

Fatima, souffrant d’une insuffisance rénale chronique terminale, a été contrainte de suivre, à une fréquence de trois séances par semaine à Casablanca, ce traitement lourd avec des gestes invasifs, liée qu’elle était à cet appareil prenant, durant des heures, toute la place de vie.

La mère-courage, qui a préféré que son identité ne soit pas révélée, a dû patienter dans le “couloir” de la survie, celui de cette thérapie à suppléance vitale, enveloppée par le doute mais aussi forte de cette foi de pouvoir jouir, un jour, de la greffe rénale, un bien meilleur moyen de substitution. La soixantaine, cette femme au foyer a vécu attachée à cet infime espoir d’un rein.

Et le 18 octobre dernier, au lendemain de la journée mondiale du don d’organes et de la greffe, elle passa par le bloc opératoire, après une pénible attente de neuf ans. Le greffon (cœur, poumons, foie, reins, cornée, etc) est prélevé sur des donneurs en état de mort encéphalique (EME), des cas rares qui ne concernent que 4 à 5 pour mille décès.

Mais encore faut-il que le donneur l’ait exprimé de son vivant ou que sa famille ne s’y oppose pas. Dans ce cas de figure, les fonctions vitales du donneur sont maintenues par l’équipe médicale le temps de prélever les différents organes pour venir en aide à un grand nombre de patients.

Le besoin d’organes et de tissus humains se fait de plus en plus pressant, eu égard aux milliers de patients incurables qui ne peuvent s’en passer pour survivre ou corriger une anomalie fonctionnelle majeure, comme la cécité.

Le don met en exergue les valeurs de solidarité au sein de la société et surtout permet de réaliser l’accès à des soins auparavant inaccessibles pour une grande partie de Marocains, a expliqué le Pr. Benghanem Gharbi, directeur du CHU Ibn Rochd de la métropole.

“Cet acte de dernière chance sans lequel la vie n’est plus possible” est organisé par des valeurs fondamentales de l’anonymat notamment à la suite d’un décès (identité des donneurs et receveurs ne sont pas connues), le consentement et la gratuité puisque l’organe ne se vend pas ni s’achète.

En fait, “il est trop précieux pour avoir une valeur”. Il est aussi régi par un cadre règlementaire des plus stricts au niveau national, dont un dahir, 3 lois, 1 décret, 14 arrêtés ministériels et des règles de bonnes pratiques sous la supervision d’un conseil consultatif de transplantation d’organes humains et seul un établissement public (8 sur tout le territoire) est autorisé à effectuer les prélèvements, a relevé le Directeur, notant qu’ainsi le Maroc, signataire de la déclaration d’Istanbul contre le trafic d’organes, est “engagé institutionnellement contre ce trafic”.

Les personnes en EME sont aussi des patients auxquels les staffs médicaux font tout leur possible pour les soigner.

Mais comme l’évolution est fatale et la mort cérébrale intervient, un processus est aussitôt enclenché avec différentes équipes pour le constat du décès, l’obtention de l’accord de la famille, le contact avec le tribunal, le receveur, les examens, le prélèvement etc, décline le Professeur pour mettre en confiance la population sur le respect de la réglementation et ses multiples garde-fous pour interdire tout trafic d’organes. “C’est un délai précieux (entre 24 et 36 heures) et une course contre la montre est ainsi lancée en cas de non-opposition au prélèvement de la part de la famille” , souvent dans la tourmente pour la décision, avant que le cœur ne s’arrête de battre.

C’est pourquoi, chacun doit prendre position pour ou contre ce don afin de ne pas mettre mal à l’aise ses proches au moment de la décision, conseille-t-il, d’autant qu’un donneur en EME, victime d’accident sur la voie publique ou d’accident vasculaire cérébrale (AVC), fait bénéficier jusqu’à 6 à 7 receveurs potentiels de la liste nationale contrôlée par le ministère.

Le Maroc a été pionnier en matière de transplantation au Maghreb (1985, greffe rein de donneur vivant) et du prélèvement sur donneur EME (1994) avec le fameux “cœur de Houcine” , prélevé au CHU de Casablanca et greffé dans celui de Rabat, qui a provoqué le débat sociétal ayant abouti à l’élaboration du cadre règlementaire.

Puis, le processus de prélèvement a été entamé en 2010 pour atteindre aujourd’hui 39 donneurs EME ayant bénéficié à 128 patients en attente de greffe, dont 64 reins, 13 foies, 5 cœurs et 46 cornées, a détaillé le Pr Benghanem.

Cette période de supplices physiques et surtout morales, qui amplifient les douleurs, est du passé pour Fatima, dernière greffée en date à partir d’un donneur EME qui se porte bien, a arrêté la dialyse et vit chez elle normalement, assure le Pr. Ramdani Benyounès, chef du service de néphrologie du CHU Ibn Rochd. Elle ne cherche pas à rester en retrait.

Engagée à sa manière dans cette sensibilisation, puisée dans la considération, elle sollicite cet altruisme du don d’organe en lançant: “Soyez généreux”. Un simple message du cœur, d’espoir, une exhortation au partage pour les bien-portants et pour les familles des donneurs EME.*

Khalid ABOUCHOUKRI


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