Coup d’État militaire à Madagascar : Le Colonel Randrianirina et le CAPSAT prennent le contrôle après la destitution de Rajoelina
Coup d'État ou vide de pouvoir ? Les militaires du CAPSAT s’imposent à Madagascar et promettent des élections d'ici deux ans. La Haute Cour Constitutionnelle valide la prise de pouvoir par le Colonel Randrianirina.
LA VÉRITÉ
Le 14 octobre 2025, la crise politique et sociale qui secoue Madagascar depuis la fin septembre a basculé dans un coup de force militaire. Dans la capitale, Antananarivo, le chaos institutionnel a atteint son paroxysme alors qu’une unité d’élite, le CAPSAT, annonçait prendre le pouvoir. Le colonel Michael Randrianirina a affirmé que l’armée avait désormais « pris le contrôle du pays ». Ce développement intervient à la suite du vote par l’Assemblée nationale visant à destituer le président Andry Rajoelina. La nation malgache est ainsi confrontée à un nouveau changement de régime orchestré par les forces armées.
La crise et l’isolement d’Andry Rajoelina
Le contexte de cette prise de pouvoir se situe dans un mouvement de contestation initié le 25 septembre, dénonçant d’abord les coupures incessantes d’eau et d’électricité, mais qui s’est mué depuis en une contestation plus large. D’abord, le président Rajoelina a tenté de gérer la situation, mais il est rapidement apparu isolé. Finalement, M. Rajoelina (51 ans) a adressé un discours à la nation, affirmant être dans « un lieu sûr » en raison de menaces contre sa vie. De ce fait, il a quitté le pays le 12 octobre. Il s’est envolé pour Dubaï après une escale à La Réunion.
Puis, l’isolement du chef de l’État s’est accru avec la défection des forces de sécurité. Par ailleurs, il a perdu le soutien du Corps d’Armée des Personnels et des Services Administratifs et Techniques (CAPSAT), une unité d’élite qui l’avait pourtant aidé à prendre le pouvoir lors du coup d’État de 2009. En effet, cette unité a rejoint les manifestants durant le week-end, annonçant qu’elle refuserait de tirer sur eux et escortant des milliers de personnes sur la place principale de la capitale. De même, la gendarmerie et la police paramilitaires ont rompu avec M. Rajoelina.
La guerre institutionnelle et le vote de destitution
Ce mardi 14 octobre, la situation institutionnelle est devenue extrêmement tendue. Au contraire des députés qui préparaient un vote d’empêchement, le président de la République Malgache a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale par un décret publié sur la page Facebook officielle de la présidence. La présidence a estimé que la réunion de l’Assemblée nationale était « dépourvue de toute base légale et contraire aux dispositions de la Constitution ». Par conséquent, toute décision émanant de cette réunion serait « réputée nulle et non avenue ».
Toutefois, les députés ont refusé la validité de cette dissolution. En effet, ils ont maintenu le vote d’empêchement du président. Pour illustrer le rejet de l’autorité présidentielle, 130 des 163 députés se sont exprimés en faveur de la destitution, atteignant la majorité des deux tiers requise. C’est-à-dire que le Parlement malgache a voté la destitution d’Andry Rajoelina.
Le coup de force militaire et la dissolution des institutions
Juste avant la validation des résultats du vote, l’unité militaire CAPSAT a pris possession du palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, situé en centre-ville d’Antananarivo. Le colonel Michael Randrianirina, chef du CAPSAT, a lu une déclaration. Il a affirmé que les militaires prenaient « leurs responsabilités puisque le poste de président était vacant ». Il a annoncé la prise de pouvoir par l’armée.
En outre, le colonel Randrianirina a annoncé la dissolution de plusieurs institutions : « On va prendre le pouvoir à partir d’aujourd’hui et on dissout le Sénat et la Haute cour constitutionnelle ». Par contre, il a précisé que « L’Assemblée nationale, on la laisse continuer à travailler ». En réaction, la Direction de la Communication de la Présidence de la République Malgache a condamné « avec la plus grande fermeté la déclaration illégale faite par une faction de rebelles militaires du CAPSAT ». Elle a dénoncé un « acte manifeste de tentative de coup d’État ».
La validation inattendue de la Haute Cour Constitutionnelle
La situation institutionnelle est devenue encore plus complexe avec l’intervention de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC). Certes, le CAPSAT avait annoncé la dissolution de la HCC cet après-midi-là. Néanmoins, la HCC s’est exprimée ce mardi soir, validant la procédure de destitution du président Andry Rajoelina.
De plus, la HCC a apporté une légitimité à l’autorité militaire. Elle a invité « l’autorité militaire compétente incarnée par le Colonel Randrianirina Michaël à exercer les fonctions de Chef de l’État ». En d’autres termes, elle a confirmé le leadership du colonel Michael Randrianirina. En principe, la Constitution malgache prévoit qu’en cas de destitution, le président du Sénat assure les fonctions de chef d’État. Toutefois, la Cour a également confirmé la vacance des postes à la présidence du Sénat. La HCC a par ailleurs complété que « Les institutions et organes constitutionnels en place continuent d’exercer leurs pouvoirs habituels ».
La feuille de route de la transition militaire
Après avoir déclaré avoir pris le pouvoir, le colonel Michael Randrianirina a esquissé les prochaines étapes de la transition. Pour commencer, le CAPSAT va créer un comité composé d’officiers de l’armée, de la gendarmerie et de la police nationale. Ce comité « inclura peut-être à terme des conseillers civils de haut rang » et assumera les fonctions de la présidence. Parallèlement, le colonel a promis la mise en place d’un « gouvernement civil » dans les prochains jours.
Finalement, Michael Randrianirina a promis d’organiser des élections qui se tiendraient dans les « 18 mois à deux ans » à venir. Il a également souligné que les manifestants du mouvement Gen Z Mada participeraient aux changements, car il faut « respecter leurs revendications ».
La prise de pouvoir par l’armée, dirigée par le colonel Michael Randrianirina, met fin à la crise ouverte par la destitution d’Andry Rajoelina. Le président, déjà hors du pays, n’a pas commenté directement l’annonce du coup d’État militaire. Le pays se trouve désormais sous l’autorité du CAPSAT, une situation légitimée par la Haute Cour Constitutionnelle malgré sa propre dissolution annoncée. En définitive, la feuille de route prévoit un retour à l’ordre civil et des élections dans un délai maximum de deux ans. Cependant, après ce nouveau coup d’État, la stabilité promise par les militaires suffira-t-elle à rétablir la confiance dans le processus démocratique malgache et à répondre aux revendications sociales qui ont embrasé le pays ?
Suivez les dernières actualités de Laverite sur Google news