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Chirurgie esthétique: La beauté à quel prix?

Nadia El Hachimi


Longtemps réservée à une poignée de bold & beautiful people, la chirurgie esthétique a sauté de l’âge du rudimentaire à l’ère de la thérapie génique et s’est banalisée, devenant une discipline qui veille au mieux-être et rebooste la confiance en soi. Désormais, il n’est plus question d’effacer des années, mais de se présenter sous son meilleur jour.

Au Maroc comme ailleurs, les desideratum de beauté ont évolué, mondialisation et avènement de l’ère du digital obligent. Désormais, l’on veut de la bouche pulpeuse, du nez à la libanaise, une croupe à la “Kardashian” ou une taille qui ferait pâlir la guêpe d’envie.

L’essor constant de la chirurgie esthétique et de sa consœur plastique (plus invasive) s’explique en partie par la révolution des réseaux sociaux qui mettent en avant des stars aux formes avantageuses ou des docteurs-miracle qui transforment des grenouilles en princes. Aussi, la formidable vitrine que représente Instagram ou encore les filtres magiques de Snapchat qui remodèlent le visage en un clic ont fini par séduire.

La perfection à toutes les sauces pousse des patients de plus en plus jeunes à passer sur le billard pour effacer d’un simple coup de bistouri ou d’une injection les défauts physiques, jugés insurmontables. Au Maroc et ailleurs, les procédures esthétiques se sont démocratisées, affirme Dr Wafaâ Mradmi, chirurgien esthétique et présidente de la Société marocaine des Chirurgiens esthétiques et plasticiens (SOMCEP).

En effet, explique-t-elle à la MAP, la femme marocaine, à l’instar de ses consœurs dans le monde, a exactement les mêmes attentes : “elle a envie de rester belle et jeune avec des courbes corporelles harmonieuses et voluptueuses”.

Si aujourd’hui, l’on parle davantage de chirurgie esthétique, c’est grâce au “changement sociétal”, explique Dr Mradmi, médecin spécialisé en chirurgie réparatrice et plastique.

Dans les années 90 “on voulait paraître jeune, belle et fraîche juste en dormant et en se réveillant! Personne n’avouait recourir à la chirurgie ou même à la médecine esthétique”, assure la spécialiste qui exerce à Agadir.

Bien que la perception vis-à-vis de la discipline a bien changé, l’omerta sur les chirurgies plastiques reste coriace, certaines patientes ayant subi des procédures préférant imputer le changement d’apparence ou de look à un maquillage professionnel, à des traitements chez le dermatologue ou à un régime. Nature de l’intervention, préjugés alimentés par les débats halal/haram et la dichotomie nécessaire/superflu sont autant de pistes à suivre…

Au Maroc, près de 4.000 liposuccions en moyenne sont pratiquées chaque année et le nombre est plus conséquent pour les interventions moins invasives comme le botox, le filler, l’épilation, le laser et le peeling, selon des estimations fournies à la MAP par le président de la Société marocaine de Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SMCPRE), Dr Hassan Boukind.

Or, ces chiffres sont à prendre avec parcimonie d’après Dr Mradmi, qui affirme qu’il n’y a pas de données exactes sur la pratique de la discipline au Maroc.

Comme pour toutes les autres chirurgies, la chirurgie plastique peut comporter des risques et des aléas et n’est pas exempte de risques.

Le décès, le 17 juin, d’une blogueuse marocaine de 32 ans, suite à une liposuccion pratiquée dans une clinique réputée de Rabat, n’en est que la triste illustration.

Au-delà du terrible deuil, de la douleur et de l’incompréhension, les parents, famille et amis de feue Imane Bensmina se sont tournés vers les réseaux sociaux pour demander “qu’un vrai débat ait lieu au Maroc au sujet de la chirurgie esthétique”.

“Ma cousine Imane Bensmina, âgée de seulement 32 ans, est décédée des suites d’une chirurgie esthétique visant une simple liposuccion!!!”, s’est indignée Aïcha Zaimi Sakhri, dans un post relayé sur les réseaux sociaux sous les hastags #cliniquedelahonte, #cliniquesansethique, #charlatans.

En attendant plus de lumière sur les conditions de la mort de cette jeune femme, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.

En novembre dernier, une jeune casablancaise, âgée de 31 ans, est décédée d’une embolie pulmonaire suite à une liposuccion réalisée dans une clinique de la capitale économique.

Approchés par la MAP, plusieurs experts dont Hatim Souktani, criminologue et professeur vacataire à l’Université Abdelmalek Essaâdi, estiment que “le risque zéro” n’existe pas. “Malgré toutes les précautions, des imprévus peuvent surgir que le praticien doit en principe prévoir, en informer le patient et en gérer les risques”, dit-il.

“L’affaire d’Imane interpelle nos consciences et nous invite à protéger davantage les droits et la sécurité du patient marocain”, affirme l’auteur du livre “La responsabilité médicale: La preuve”, qui pointe du doigt un certain “vide juridique” en matière de “responsabilité médicale” au Maroc.

“Le décès d’un jeune patient pour un geste en apparence banal est très mal vécu et mal accepté (…) Dans tous les cas, le médecin devra en permanence être aux côtés de la famille et partager leur deuil en assumant pleinement sa responsabilité et en réparant le dommage parfois indépendamment du lien de causalité avec l’acte objet du litige”, assure Dr Souktani, qui préside l’Institut méditerranéen des sciences criminelles.

Erreur médicale ou destin imparable, ces drames lèvent le voile sur le fait que ces procédures, bien que banalisées, comportent des risques.

En effet, certaines opérations comportent plus de dangers que d’autres, à l’exemple de l’abdominoplastie qui présente le plus de risque de faire une embolie pulmonaire (obstruction des voies pulmonaires par un caillot de sang).

Le tabagisme est un autre facteur à risque, au même titre que l’état de santé générale. La qualification des personnes qui réalisent l’anesthésie générale et l’intervention et l’endroit où celle-ci s’effectue sont également des éléments qu’il faut prendre en compte.

Or, devant une population mondiale qui vieillit plus qu’elle ne rajeunit, nul doute que la médecine anti-âge a de beaux jours devant elle, à en croire l’Organisation mondiale de la Santé qui s’attend à ce que la proportion des plus de 60 ans explose, entre 2000 et 2050, passant de 11% (605 millions) à 22% (2 milliards) de la population mondiale.


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