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Célébration du mi-Ramadan à Marrakech : Quand le “trid au poulet beldi” s’impose au menu des ménages

Fouad Benjlika


Malgré un mode de vie tourné de plus en plus vers la modernité et imprégné de sédentarité, les Marrakchis, toutes catégories confondues, demeurent vivement attachés à certaines traditions culinaires ancestrales, qu’ils tentent, tant bien que mal, de préserver pour en assurer la transmission aux nouvelles générations.

Au rang de ces traditions culinaires à défendre jalousement et que les Marrakchis tentent de perpétuer, figure la préparation du plat traditionnel si “copieux” et “succulent” à savoir : “trid au poulet beldi”, l’un des plus prisés pour fêter en liesse, l’avènement du mi-Ramadan (15è jour du Ramadan).

Il s’agit d’un mets préparé à base de crêpes marocaines (Mssemen) assaisonnées avec une sauce riche en ingrédients et préparée avec du poulet beldi (fermier), des lentilles, de l’oignon, de l’ail, des épices …etc. Le plat est souvent décoré par des œufs durs et des dattes remplies de noix.

Si on s’attache trop, partout au Maroc et d’une région à l’autre, à bien garnir la table du dîner lors de la soirée du 15 Ramadan, avec des menus riches et variés de mets spéciaux, les Marrakchis, eux, optent pour le “Trid au poulet Beldi”, suivi d’un bon verre de thé à la menthe et autres plantes aromatiques.

Une manière d’accueillir le mi-Ramadan, qui jouit d’ailleurs d’une grande symbolique, dans une ambiance empreinte de spiritualité, de partage et de convivialité, caractéristiques intrinsèques des habitants de cette ville millénaire.

Toutefois, même si la crise sanitaire engendrée par la propagation de la Covid-19 et l’apparition de nouveaux variants a, lourdement, impacté tous les secteurs et les aspects de la vie quotidienne, les familles marrakchis continuent, elles, de célébrer le mi-ramadan comme il se doit même si, cette fois-ci, dans un cadre restreint souvent réservé à la petite famille, mais sans reléguer, au second rang, leurs traditions culinaires et autres.

Et pour preuve, la veille du 15 ramadan, les différents marchés de la cité ocre connaissent une affluence remarquable par des mères de famille déterminées à remplir leurs paniers, le temps de se procurer l’ensemble des ingrédients pour préparer un bon “trid au poulet beldi”.

Pour la chercheuse et passionnée du patrimoine culinaire à Marrakech, Mme Latifa Tbaili, le choix de ce mets pour fêter l’avènement du 15è jour du Ramadan n’est pas fortuit, puisque ce plat typiquement marocain, a été toujours associé au partage, symbole de la cohésion sociale et indissociable de l’hospitalité légendaire des Marrakchis et de leur débordante joie de vivre dans la convivialité.

Dans une déclaration à la MAP, Mme Tbaili, a expliqué que ce mets, très populaire aux quatre coins du Royaume sous différentes appellations (Rfissa ou encore hemiss), est connu pour être préparé à base de Msemen, d’oignons, d’épices, de lentilles, surtout de l’indispensable fenugrec qui lui procure sa saveur et la viande du poulet beldi.

Cette spécialité gastronomique, que les familles préparent surtout à l’occasion d’une naissance “afin de permettre à la mère de retrouver ses forces”, peut être aussi préparée avec des amandes et raisins secs (chez lez familles un peu aisées), a-t-elle précisé.

Et de poursuivre que toutes les familles marrakchies sont encore attachées à cette tradition culinaire et veillent à la faire revivifier la veille du mi-ramadan, date durant laquelle la grande famille, proches et voisins se rassemblent pour célébrer cet événement religieux en liesse.

Cette fête religieuse est un moment fort apprécié où les amis, les membres de la famille et les convives se trouvent réunis ensemble autour de ce plat.

Il s’agit d’un moment exceptionnel de partage, de joie de vivre, de retrouvailles et d’échanges notamment, dans une ambiance ramadanesque combien empreinte de convivialité, de piété, de spiritualité et de recueillement.

Et comme le veut la tradition, le légendaire thé à la menthe et aux plantes aromatiques marrakchi, est servi directement après le trid, avec du “Sellou” et des gâteaux typiquement marocains (ghorïba).

Cette chercheuse a tenu à expliquer que ce thé à la menthe est préparé de manière traditionnelle loin des fours à gaz ou fours électriques.

À la différence de la cuisine, faite par les femmes, le thé est traditionnellement “une affaire d’hommes” : préparé par le chef de famille ou par toute autre personne, qui dispose d’une certaine expertise et un bon doigtier en la matière.

L’eau est ainsi bouillie dans le brasero, qui permet une cuisson douce et lente au-dessus des braises, alors que le thé est préparé à la manière traditionnelle et ancestrale, servi dans des verres spéciaux et des plateaux traditionnels en cuivre doré ou argenté, conservés jalousement pour ce genre de fêtes.

L’ambiance conviviale et festive est aussi accompagnée par le Dikr (panégyriques), qui coïncident avec la sacralité et la spiritualité de ce mois sacré, le tout agrémenté d’échanges autour d’histoires et d’anecdotes traduisant cette légendaire joie de vivre des habitants de la cité ocre.

Auteure de plusieurs ouvrages sur le patrimoine culinaire de la cité ocre, Mme Tbaili a expliqué que comme veut la tradition, les habitants de Marrakech ont pris l’habitude de consacrer à chaque événement ou fête religieuse, un plat spécial.

Ainsi, le couscous est souvent associé durant le mois du Ramadan à Laylat Al Qadr “Nuit du destin”, un moment remarquable pendant lequel, les familles préparent plusieurs plats, dont un destiné aux fidèles à la Mosquée, un autre au profit des familles démunies et un 3ème plat pour la famille et proches, a-t-elle expliqué, rappelant que le “trid au poulet beldi” est, quant à lui, préparé et servi la nuit du mi-Ramadan.

Par ailleurs, Mme Tbaili ne manque pas de se remémorer, avec tant de nostalgie, cette époque où le Ramadan était un véritable mois de partage, de solidarité et d’entraide, où la grande famille, proches et voisins se rassemblaient pour préparer et partager des ftours collectifs.

Les familles préparaient les ftours et dîners, à tour de rôle, afin de perpétuer les valeurs de solidarité, d’entraide et de cohésion sociale, sans omettre de préparer des ftours spéciaux destinés aux personnes en situation précaire, ou encore loin de leur domicile, dont les voyageurs et passants démunis, les sans-abri, les nécessiteux et ceux qui exercent des petits métiers.


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