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Campagne agricole, la saison de tous les espoirs

Par Fayçal El Amrani


Le Maroc aborde une nouvelle campagne agricole dans un climat d’incertitude. Sept années successives de sécheresse ont profondément marqué les sols, les barrages et les esprits. Le pays attend toujours ce retour salvateur des pluies qui permettrait de relancer la production et de redonner confiance à des centaines de milliers d’agriculteurs suspendus à la météo.

 

Depuis Rabat, le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a tiré la sonnette d’alarme : si la saison ne connaît pas de précipitations significatives d’ici la fin de l’automne, le Maroc pourrait entrer dans une huitième année sèche consécutive. Les réserves hydriques sont descendues à environ 32 % de leur capacité, un niveau critique après un été particulièrement chaud et évaporant. La tendance, même si elle n’est pas encore irrémédiable, témoigne d’un épuisement structurel qui dépasse la seule question climatique.

Dans plusieurs régions, notamment Doukkala, Chaouia, Haouz et Tadla, les terres arables restent en attente des premières vraies pluies pour lancer les plantations. Ce retard inquiète les producteurs céréaliers, car chaque semaine sans eau compromet les rendements futurs. Les cultures de blé, d’orge et de légumineuses, qui dépendent directement des précipitations, sont particulièrement vulnérables. Le souvenir des campagnes catastrophiques de 1994 et 1995 revient souvent dans les conversations rurales : à l’époque, la récolte avait chuté de plus de 80 %. Une seule bonne année, celle de 1996, avait suffi à inverser la tendance, preuve que la résilience de l’agriculture marocaine reste possible, mais fragile.

Cette attente s’accompagne de tensions sur l’élevage. Le ministère de l’Agriculture a reconnu que le cheptel national a diminué de près de 40 % en moins de dix ans, conséquence directe de la rareté du fourrage et du coût des aliments importés. L’État soutient les éleveurs par des aides ciblées et des subventions à l’importation, mais la situation demeure tendue, surtout dans les zones rurales enclavées où la sécheresse a aussi tari les points d’eau traditionnels.

Face à cette réalité, le Maroc poursuit une politique de long terme pour renforcer sa sécurité hydrique. Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation, lancé sous l’impulsion royale, vise à diversifier les sources d’eau et à mieux répartir la ressource entre les régions. Les projets de dessalement avancent à Agadir, Casablanca, Laâyoune et Dakhla, et les transferts interbassins deviennent un outil essentiel pour alimenter les zones déficitaires. Ces chantiers visent à mettre fin à la dépendance totale de l’agriculture à la pluie, en sécurisant progressivement les périmètres irrigués.

Mais au-delà des infrastructures, c’est un changement de culture agricole qui s’impose. Les spécialistes insistent sur l’importance d’économiser l’eau à la parcelle, d’introduire des variétés plus résistantes et de rééquilibrer les assolements en faveur des cultures à forte valeur ajoutée et à faible consommation hydrique. Cette mutation a déjà commencé dans certaines filières, notamment l’arboriculture et le maraîchage sous goutte-à-goutte, mais elle reste inégale selon les régions.

Les prochaines semaines seront déterminantes. Si les pluies s’installent avant l’hiver, la campagne pourrait retrouver une dynamique encourageante et amorcer une reprise, ne serait-ce que partielle. Dans le cas contraire, la saison 2025–2026 prolongerait une crise agricole qui met à l’épreuve l’économie nationale, les équilibres sociaux et le moral du monde rural.

 

L’agriculture reste au cœur du modèle de développement du Royaume, non seulement pour son poids économique mais surtout pour sa fonction sociale. Derrière cette attente du ciel, il y a des familles entières, des emplois saisonniers, des exportations et des prix alimentaires. C’est tout un équilibre national qui dépend, une fois encore, de la pluie, de la gestion rationnelle de l’eau et de la capacité du pays à adapter son agriculture à un climat désormais incertain.


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