[ after header ] [ Mobile ]

[ after header ] [ Mobile ]

Benkirane : Je suis contre l’Iran lorsqu’il s’agit d’un conflit direct avec le Maroc

PJD : congrès régional à Fès les 22 juin 2025

Par Yassine Andaloussi


Abdelilah Benkirane, figure emblématique d’un islamisme politique marocain aujourd’hui à bout de souffle, semble jouer ses dernières cartes sur la scène nationale. L’ancien chef du gouvernement, longtemps adulé pour son verbe populaire et son aisance à capter l’humeur des foules, peine aujourd’hui à se réinventer. Et face à l’érosion de son influence et à la désaffection croissante des électeurs, il choisit une stratégie qui ressemble davantage à une fuite en avant qu’à un réel projet politique. Le cas de ses dernières déclarations sur l’Iran, Israël et le Maroc illustre parfaitement cette dérive. Nous assistons à une sorte de poker politique où Benkirane tente un ALL-IN risqué dans l’espoir de regagner une crédibilité perdue. Mais à force de jouer sur plusieurs tableaux, le masque tombe, et le bluff devient évident.

Lors d’un meeting régional tenu à Fès les 22  juin 2025, Benkirane a déclaré sans détour qu’il est contre l’Iran dès lors qu’il s’agit d’un conflit direct avec le Maroc. Il affirme que sa priorité est la défense des intérêts du Royaume. Cette déclaration, bien qu’en apparence patriotique, tranche avec ses positions précédentes. Il avait en effet affirmé, dans un passé récent, être du côté de l’Iran face à Israël, au nom de la cause palestinienne et d’une solidarité musulmane globale. Cette volte-face sème le trouble et donne une impression de désorientation. Car lorsqu’on est un ancien chef de gouvernement et qu’on prétend encore influencer la politique nationale, on se doit d’être cohérent, ou au moins clair dans ses positions internationales, surtout dans un monde arabe bouleversé par les tensions régionales.

En réalité, Benkirane tente de ménager la chèvre et le chou. Il veut à la fois plaire à la base militante islamiste toujours très mobilisée autour de la cause palestinienne, et ne pas s’aliéner définitivement les institutions de l’État marocain, qui ont adopté une position ferme contre l’Iran en raison de ses liens supposés avec le Polisario via le Hezbollah. Ce double langage est typique d’un discours populiste qui cherche à s’adapter à l’auditoire du moment. Mais ce jeu de contorsionniste politique finit par trahir une grande fébrilité. Car le Maroc d’aujourd’hui ne peut plus se permettre l’ambiguïté sur des questions aussi fondamentales que sa souveraineté, ses alliances stratégiques, ou sa politique étrangère.

Benkirane a toujours été un homme de verbe plus qu’un homme d’action. Il maîtrise parfaitement l’art du discours émotionnel, le recours aux références religieuses, et la proximité avec la rue marocaine. Mais depuis son départ du gouvernement, il s’est enfermé dans une posture de commentateur bruyant, parfois nostalgique, souvent provocateur. En tentant aujourd’hui de se repositionner, il ne propose pas de vision cohérente, ni de ligne politique sérieuse. Il se contente de multiplier les déclarations à effet immédiat, jouant sur les affects, et oubliant que la politique est avant tout une affaire de clarté stratégique. Ce retour en force des contradictions dans son discours le place dans une position de fragilité évidente. Il n’est plus perçu comme un homme d’État, mais comme un ancien leader tentant de survivre dans un paysage politique qui a profondément changé.

Le Maroc de 2025 n’est plus celui de 2011. Les priorités nationales sont claires, le cap géopolitique du Royaume est assumé, et les citoyens, bien que toujours sensibles à la cause palestinienne, refusent les jeux d’alliances douteux. L’État marocain a investi depuis des années dans la consolidation de ses partenariats stratégiques, dans une diplomatie équilibrée et dans une politique d’affirmation souveraine. L’alignement marocain contre l’Iran ne relève pas d’une décision émotionnelle mais d’un choix rationnel fondé sur des faits, des menaces identifiées et des intérêts bien définis. En tentant de reconfigurer ce cadre avec ses propres outils discursifs, Benkirane ne fait que souligner sa déconnexion croissante avec les réalités diplomatiques du Royaume.

Ce qui est encore plus frappant, c’est la manière dont il justifie ses contradictions. D’un côté, il dit que son soutien à l’Iran dans son conflit avec Israël ne signifie pas qu’il partage ses valeurs ou ses intentions. De l’autre, il affirme que si l’Iran s’en prend au Maroc, il sera contre elle sans ambiguïté. Mais cela revient à dire tout et son contraire dans la même phrase. Ce n’est pas une nuance diplomatique, c’est une fuite rhétorique. Il tente de jouer sur les deux tableaux, espérant que chacun entendra ce qui l’arrange. Mais dans un contexte de forte polarisation régionale, où les positions des pays sont scrutées, pesées et interprétées, ce genre d’ambivalence n’a plus sa place. Le Maroc a choisi son camp en toute souveraineté. Il n’y a pas de place pour l’ambiguïté quand il s’agit de sécurité nationale.

On peut comprendre que Benkirane cherche à exister politiquement à un moment où son parti est marginalisé, où ses anciens compagnons ont disparu du paysage, et où la base électorale islamiste est orpheline. Mais au lieu de proposer un nouveau cadre de pensée, une alternative patriotique fondée sur des valeurs religieuses compatibles avec l’intérêt national, il recycle les vieux slogans et joue la carte du conflit religieux global. Il veut rester le héros d’un islamisme romantique, celui qui parle à la Oumma, qui défie l’Occident, qui soutient les opprimés. Mais ce discours ne fait plus illusion. Les Marocains veulent des responsables clairs, des projets de société tangibles, et une politique étrangère alignée sur la défense des intérêts du Royaume.

Ce qui est inquiétant, c’est que Benkirane semble croire que cette stratégie du bluff peut encore fonctionner. Il agit comme un joueur de poker sur le déclin, misant tout sur une dernière main en espérant un retournement de situation. Il pense que ses coups d’éclat verbaux peuvent raviver la flamme de 2011. Mais la politique n’est pas un casino. Et le peuple marocain, même dans ses segments les plus sensibles à la cause palestinienne, n’est pas dupe. Il voit bien que derrière ces grandes envolées lyriques, il n’y a ni programme, ni vision, ni fidélité réelle à l’intérêt supérieur de la nation.

L’ère du populisme religieux touche à sa fin au Maroc. Elle a montré ses limites, ses incohérences et ses échecs. Le pays avance vers un modèle plus exigeant, où la compétence, la loyauté institutionnelle et la clarté idéologique deviennent des critères centraux. Les responsables politiques qui n’arrivent pas à se repositionner avec lucidité sont voués à disparaître. Benkirane aurait pu incarner une forme de sagesse post-pouvoir, un rôle de guide moral au service de l’unité nationale. Mais il a préféré rester dans la provocation, la contradiction et l’ambiguïté. Et cela le condamne à devenir un simple acteur de second plan, bruyant certes, mais de moins en moins écouté.

Son discours sur l’Iran et Israël n’est que le reflet d’un mal plus profond. Celui d’un leader en fin de cycle, prisonnier de ses contradictions, qui tente de faire croire qu’il est encore maître du jeu. Mais les cartes sont déjà sur la table. Et tout le monde a vu qu’il bluffait.


À lire aussi
commentaires
Loading...
[ Footer Ads ] [ Desktop ]

[ Footer Ads ] [ Desktop ]