Benkirane : entre rhétorique anti-israélienne et vide programmatique
L’illusion populiste

Par Yassine Andaloussi
À un an des élections législatives marocaines de 2026, Abdelilah Benkirane semble avoir opté pour une stratégie politique reposant sur la provocation verbale plutôt que sur un programme cohérent. En multipliant les diatribes contre Israël et en stigmatisant ses soutiens nationaux, l’ancien chef de gouvernement cherche à réactiver une base électorale réduite mais bruyante. Ce choix révèle une impasse politique plus qu’une vision alternative pour le Maroc.
Depuis plusieurs mois, l’ancien chef de gouvernement enchaîne les discours virulents et les interventions provocantes. Il multiplie les attaques contre Israël et insulte ouvertement les Marocains qui soutiennent la politique étrangère du Royaume. Ce choix rhétorique, basé sur la polarisation, vise à rallier une base restreinte autour d’un message moraliste et accusateur. Il tente de raviver une sensibilité islamiste affaiblie par les revers électoraux successifs et par l’érosion de la crédibilité du Parti de la Justice et du Développement.
Benkirane ne s’adresse plus à la majorité des Marocains, mais à un segment idéologisé, attaché à une lecture émotionnelle des relations internationales. Ce discours évacue toute complexité et toute nuance, réduisant la politique à une opposition entre bons croyants et supposés traîtres à la cause. En désignant comme “parasites” ou “insectes” ceux qui défendent les intérêts stratégiques du Maroc, il entretient un climat délétère, dangereux pour la cohésion nationale.
Le retour en force de Benkirane sur la scène publique n’a pas été accompagné d’une offre politique concrète. Aucun projet structurant, aucune vision d’ensemble pour répondre aux attentes sociales et économiques du pays n’a été présenté. Ni sur l’éducation, ni sur l’emploi, ni sur le développement territorial. Les problèmes réels des Marocains sont évacués au profit d’une indignation permanente, théâtralisée devant les caméras ou sur les tribunes de son parti.
Le silence du PJD sur les véritables enjeux nationaux contraste fortement avec la clarté de ses attaques idéologiques. Ce décalage révèle une stratégie de repli : face à l’incapacité de formuler une alternative crédible, l’ancien chef du gouvernement préfère rejouer la carte du ressentiment. Cette attitude trahit une méfiance envers l’intelligence des électeurs et un refus d’assumer les responsabilités liées à l’exercice du pouvoir dans le passé.
Loin de vouloir reconquérir l’ensemble du corps électoral marocain, Benkirane semble chercher à se maintenir à la tête d’un noyau dur, fidèle mais minoritaire. Il s’appuie sur un imaginaire idéologique usé, porté par des slogans et des références morales qui ne correspondent plus aux priorités actuelles du pays. Ce segment de l’opinion, bien qu’activiste sur les réseaux sociaux, reste limité dans sa capacité à influer sur les choix majoritaires des citoyens.
Le Marocain moyen aspire à la stabilité, au progrès, à l’ouverture et à la modernisation de son économie. Il comprend que les enjeux de souveraineté, de diplomatie et de développement imposent des arbitrages complexes. Il ne se laisse pas convaincre par des appels à la haine ou par des postures simplistes, aussi bruyantes soient-elles.
En tablant sur la colère populaire liée à la situation à Gaza, Benkirane tente de faire oublier l’échec de son parti à gouverner et à proposer. Pourtant, la mémoire politique collective n’est pas aussi courte qu’il l’imagine. Les Marocains se souviennent des réformes douloureuses mises en œuvre sous son mandat, de la déconnexion croissante entre ses promesses et ses actes, et du vide laissé dans les domaines essentiels à la justice sociale.
Ce retour au premier plan, fondé sur l’insulte et la division, ne saurait suffire à bâtir une dynamique électorale durable. Il met en lumière l’essoufflement d’un modèle, celui du verbe creux, du dogmatisme émotionnel et de la posture victimaire. Le Maroc, aujourd’hui, attend des dirigeants qui écoutent, qui comprennent, qui bâtissent. Non des figures figées dans la nostalgie d’un passé idéalisé.