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BCIJ et démocratie, un levier contre la corruption

Par Yassine Andaloussi


Aux États-Unis, la corruption n’est pas un simple délit, c’est une déclaration de guerre contre l’État. Depuis 1977, le Foreign Corrupt Practices Act a changé la manière dont le monde fait des affaires. Grâce à cette loi, le FBI et le ministère américain de la Justice peuvent enquêter sur n’importe quelle entreprise, où qu’elle se trouve, dès qu’un dollar ou un serveur américain entre dans l’équation. Le message est clair, aucun pot-de-vin ne doit passer inaperçu, même à des milliers de kilomètres de Washington.

Ce modèle américain montre que la lutte contre la corruption ne se limite pas à des discours ou des campagnes de sensibilisation. Elle repose sur une structure, une vision et surtout une volonté politique. C’est cette même logique que le Maroc doit adopter. Car si la corruption continue de gangrener certains rouages administratifs, elle freine les réformes, détruit la confiance et abîme le lien entre le citoyen et l’État.

Le Maroc n’est pourtant pas démuni. Depuis quelques années, des institutions comme l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption, la Cour des Comptes ou encore la Trésorerie Générale du Royaume mènent un combat de fond. Mais leurs efforts restent souvent cloisonnés, freinés par le manque de coordination et l’absence d’un bras opérationnel fort. C’est ici que le Bureau Central d’Investigation Judiciaire peut changer la donne.

Le BCIJ est aujourd’hui l’une des institutions les plus respectées du Royaume. Né de la volonté de protéger le pays contre le terrorisme et la criminalité organisée, il a su gagner la confiance du public grâce à son efficacité, sa rigueur et son professionnalisme. Ce bureau, souvent présenté comme un FBI made in Morocco, incarne une méthode moderne du renseignement et de la justice. Il agit vite, il agit bien, et surtout, il agit dans le silence, là où l’action vaut mieux que les mots.

Mais l’avenir du BCIJ pourrait dépasser la seule sécurité nationale. Le Maroc a besoin d’un appareil qui veille sur son intégrité morale autant que sur sa sécurité physique. L’expérience du BCIJ en matière d’enquêtes, de coordination interservices et de gestion de l’information peut devenir un atout majeur dans la lutte contre la corruption. En collaborant avec l’INPPLC, l’Autorité de la Concurrence, la Direction Générale des Impôts et la Trésorerie Générale du Royaume, ce bureau pourrait devenir le centre nerveux d’une stratégie nationale unifiée.

Un tel modèle offrirait plus qu’un outil de répression. Il instaurerait une culture nouvelle de la transparence, où la justice ne se contente plus d’intervenir après le crime, mais agit en prévention. Le BCIJ pourrait aussi devenir un relais d’information pour le grand public, un acteur de sensibilisation face aux fake news, aux manipulations et aux menaces invisibles qui visent à fragiliser la société. Le renseignement, dans ce sens, ne serait plus un domaine secret réservé à quelques-uns, mais un instrument citoyen au service de la vérité et de la vigilance collective.

Le Maroc a atteint un moment charnière de son histoire institutionnelle. L’État s’ouvre, se modernise, investit massivement dans la technologie et les réformes publiques. Mais aucune de ces réformes ne peut aboutir sans une guerre totale contre la corruption. Le BCIJ a la légitimité, la structure et la crédibilité nécessaires pour mener ce combat. Il pourrait devenir l’exemple d’une administration nouvelle, proche du citoyen, ancrée dans l’efficacité et guidée par le devoir moral.

En fin de compte, le Maroc dispose déjà des outils nécessaires pour transformer la lutte contre la corruption en un projet concret et visible. Il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles structures, mais de coordonner les forces existantes et de mettre en action des institutions comme le BCIJ pour créer un État plus transparent et responsable. Saisir ce moment, c’est permettre à la démocratie de se renforcer et à la confiance des citoyens à se consolider. C’est maintenant que le Maroc peut franchir une étape décisive, faire de la probité un véritable pilier national et montrer que gouvernance et sécurité peuvent avancer main dans la main.


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