Baisse du taux directeur : BAM mise sur une dynamique favorable de l’économie nationale

LA VÉRITÉ
Contre toute attente, Bank Al-Maghrib (BAM) a décidé de réduire son taux directeur de 25 points de base à 2,25%, une mesure audacieuse qui reflète sa confiance dans la dynamique actuelle de l’économie marocaine. Cette décision intervient dans un contexte marqué par une nette décélération de l’inflation et une volonté affirmée de soutenir la croissance économique et l’emploi, notamment pour les petites entreprises.
Un choix stratégique pour accompagner la reprise économique
Lors d’un point de presse tenu à l’issue de la première réunion trimestrielle de BAM en 2025, le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a souligné que cette baisse vise à renforcer l’accompagnement de la croissance tout en stimulant l’emploi. La Banque centrale mise ainsi sur une politique monétaire accommodante pour encourager davantage le financement bancaire, notamment dans des secteurs clés comme l’immobilier, la consommation et l’investissement des entreprises.
Abdellatif Jouahri a rappelé que l’inflation est passée de 6% à 0,9% en 2024, avec des projections tablant sur une stabilisation autour de 2% au cours des deux prochaines années. Ce contexte favorable permet à BAM de privilégier des mesures expansionnistes sans compromettre la stabilité macroéconomique. Par ailleurs, la solidité des finances publiques, les réserves de change couvrant plus de cinq mois d’importations et la croissance soutenue des secteurs non agricoles, estimée à plus de 4%, confortent cette stratégie proactive.
Une décision “surprenante” mais justifiée selon les experts
Pour Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques, cette troisième baisse du taux directeur en moins d’un an constitue une surprise, car les attentes du marché misaient plutôt sur une stabilité des taux. Toutefois, cette mesure s’inscrit dans une logique prudente et opportuniste. “Le Wali de Bank Al-Maghrib ne prend pas de risques majeurs et ne compromet pas la stabilité des agrégats monétaires et macroéconomiques”, explique-t-il.
Selon M. Youmni, ces ajustements visent principalement à stimuler les crédits immobiliers, la consommation et l’investissement des entreprises, dans un contexte où l’inflation est en repli. Il souligne également que le Maroc, bien qu’exposé aux incertitudes et à la volatilité des marchés mondiaux, peut tirer parti des chocs exogènes pour renforcer son attractivité et intégrer davantage ses chaînes de valeur dans l’économie mondiale.
L’impact des conditions climatiques favorables
L’amélioration des conditions climatiques, notamment une reprise significative des précipitations, joue également un rôle clé dans cette décision. Ces conditions devraient soutenir une hausse de la production agricole, générant potentiellement un gain de 0,5 à 1 point de croissance et une baisse du chômage de 1 à 2 points, grâce à un rebond de l’emploi agricole.
“Le Conseil de BAM a voulu capitaliser sur cet optimisme lié aux précipitations en soutenant artificiellement le pouvoir d’achat via une réduction du coût du crédit”, analyse M. Youmni. Dans ce contexte favorable, caractérisé par une stabilité du dirham, une inflation sous contrôle et des prix bas du pétrole et du gaz, cette décision apparaît comme une opportunité stratégique pour relancer l’économie nationale.
La nécessité de soutenir les TPME
De son côté, Farid Mezouar, directeur exécutif de FL Markets (FLM), met en lumière l’influence des décisions prises par la Banque centrale européenne (BCE), qui a procédé à cinq baisses successives de ses taux d’intérêt, avec deux autres attendues à court terme. Selon lui, BAM a également pris en compte le taux de chômage élevé, qui nécessite un coup de pouce pour le financement des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME).
Cependant, M. Mezouar souligne que le véritable défi réside moins dans le coût du financement que dans la complexité des procédures bancaires et les exigences élevées en matière de garanties. Bien que BAM ait lancé un programme spécifique pour soutenir le financement des très petites entreprises (TPE) via un refinancement préférentiel des banques participantes, il estime que des réformes structurelles sont nécessaires pour simplifier l’accès au crédit.
Perspectives économiques positives
Le Conseil de BAM a noté que les anticipations d’inflation restent bien ancrées, avec des prévisions de 2,2% pour les huit prochains trimestres et de 2,4% pour les douze trimestres à venir. Ces indicateurs rassurent quant à la capacité du Maroc à maintenir une trajectoire économique stable et inclusive.
En somme, cette décision reflète une approche équilibrée qui combine soutien à la croissance, gestion rigoureuse de l’inflation et anticipation des défis mondiaux. En misant sur une baisse stratégique du taux directeur, Bank Al-Maghrib affirme son engagement à accompagner la dynamique économique nationale tout en répondant aux besoins des acteurs économiques, y compris les plus vulnérables.