Au Maroc, le divorce a le vent en poupe
Au-delà des répercussions fatales de la pandémie du Covid-19, qui a vu le nombre de divorce exploser dans le monde et également au Maroc, les confinements ayant obligé de nombreux couples à vivre ensemble 24/24, causant, du coup, des conflits, levant le voile sur des incompatibilités, conduisant des milliers de personnes à se séparer, le divorce a pris de nouvelles proportions au Maroc, et ce, depuis 2004 affichant, chaque année une hausse considérable. Ainsi , quand on se penche sur les dernières années, le taux va de 107.136 cas en 2017, à 115.436 en 2018 (soit une hausse de 7,75%), puis 129.417 en 2019 (+ 12,11%) pour baisser en 2020 à 105.471, puis repartir à la hausse l’année suivante pour atteindre 131.309 cas.
En effet, ce sont pas moins de 135 724 divorces qui ont été prononcés au cours de l’année 2021 sachant qu’en 2005, un an après le lancement de la Moudawana, le chiffre des divorces ne dépassait pas les 28 232. Ce qui confirme les propos et les points de vue de plusieurs sociologues, avocats et adouls marocains qui affirment que la Moudawana a largement allégé les procédures de divorce en accordant plus de liberté aux femmes de demander le divorce. Cette tendance s’est accrue en 2021, puisque près du tiers des mariages, soit 308 687, en 2021 ont fini en divorce rapide.
Plus en détail, les chiffres nous montrent que 164.477 cas de divorce sont répartis entre 34.829 divorces révocables, 123.221 divorces par consentement mutuel, 5917 divorces avant la consommation du mariage, 471 divorces par Kholh, et 39 divorces résultant d’un droit d’option consenti par l’époux à son épouse. Ces chiffres représentent près de 27.94% du total. En ce qui concerne le divorce judiciaire, près de 424.292 cas ont été relevés, soit près de 72.06% du total. En moyenne, on évalue le chiffre global à 588.969 divorces au Maroc. D’un autre côté, le taux de divortialité, autrement dit, le rapport de divorces prononcés au nombre de mariages actés dans l’année est en progression, ainsi, 50 affaires de divorce ont été recensées pour chaque 100 demandes d’autorisations de mariage déposées entre 2017 et 2021.
Signes du temps, effet de mode, regain de liberté, désir d’indépendance, il y a du bon et du mauvais quand on se penche sérieusement sur ces chiffres. «Le bon côté, c’est que les femmes sont de plus en plus confiantes et sûres de leurs choix et de leurs erreurs et décident de rectifier les choses sans laisser des plumes ni faire de mal aux enfants. C’est dans ce sens qu’un mariage malheureux et sans enfants, doit logiquement se solder par une séparation pour ne pas faire durer une aventure vouée à l’échec tout en condamnant des enfants innocents qui n’ont rien choisi. Le mauvais côté, c’est que le divorce est presque devenu une mode. Certains couples divorcent pour un oui ou un non. Pour des broutilles, car l’union elle-même, à la base, est basée sur du vide. Sans parler de la légèreté avec laquelle les gens se marient aujourd’hui et divorcent au bout de quelques semaines. C’est là un indicateur sérieux d’une profonde mutation sociale qui doit nous interpeler», explique Docteur Imane Kendili, psychiatre, sexologue et addictologue.
Dans ce sens, on peut comprendre ces centaines de milliers de divorces en 2021 qui ont eu lieu juste quelques mois après le mariage. Précipitation, erreur de jugement, mauvais choix et décisions erronées, aujourd’hui le divorce n’est plus un tabou au Maroc. Dans certains cas, c’est même une fierté pour certains. Il est vécu comme un rite de passage pour vivre son célibat sans contraintes matrimoniales ni familiales. Sur un autre plan, il ne faut pas oublier que des centaines de milliers de divorce déchirent des structures familiales déjà fragilisées par la précarité, surtout chez les couches sociales les plus pauvres. Souvent, ce type de divorce fait des dégâts collatéraux dont les enfants paient le lourd tribut : abandon scolaire, déshérence sociale, clochardisation, mendicité, prostitution… Autant de fléaux qui se répandent à une cadence soutenue au Maroc aujourd’hui.