Apprentissage : Le Maroc transforme l’emploi des jeunes en chantier national
LA VÉRITÉ
Le Maroc franchit une nouvelle étape dans la lutte contre le chômage des jeunes en lançant une réforme structurante fondée sur l’apprentissage. Porté par le programme Tadaroj, ce chantier, piloté par le ministère de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, ambitionne de faire de la formation en entreprise un levier central de compétitivité et d’insertion. L’idée est simple mais profondément politique : replacer l’entreprise au cœur de la formation et replacer le jeune au cœur de la production.
L’entreprise devient formatrice. Face à un chômage des jeunes qui peine à reculer, le gouvernement a choisi un levier concret : l’apprentissage en alternance. Le programme Tadaroj, inscrit dans la dynamique du PLF 2026, vise 100 000 jeunes formés par an d’ici 2026 et 500 000 à l’horizon 2030. Ce modèle d’alternance repose sur 80 % de pratique en entreprise et 20 % de formation en centre agréé, inspiré des standards européens. Le dispositif conduit à un diplôme reconnu et, surtout, à un emploi stable. Comme le souligne Younes Sekkouri, « faire de l’apprentissage sans entreprise, ça ne marche pas. L’entreprise est au cœur du modèle : elle forme, rémunère et intègre les jeunes dans la production ».
Cette philosophie change tout. Le Maroc rompt avec le schéma classique d’une formation administrée pour s’orienter vers un apprentissage opérationnel. Les entreprises sont encouragées à créer leurs propres écoles internes adaptées à leurs métiers. Le résultat est double : les jeunes acquièrent une expérience réelle et les entreprises disposent de ressources immédiatement employables.
Le programme Tadaroj bénéficie d’un budget de 800 millions de dirhams pour 2025-2026, dont une subvention publique de 5 000 dirhams par apprenti et par an, versée directement à l’entreprise, à la coopérative ou à l’unité artisanale. Mais la part la plus importante du financement provient du secteur privé : les entreprises versent entre 500 et 2 000 dirhams par mois aux apprentis, pour une durée variant de six mois à deux ans. Cette rémunération est déterminante. « Beaucoup de jeunes n’ont pas la capacité de tenir sans revenu ; une formation réussie suppose un minimum de moyens : un salaire, un repas et le transport », insiste le ministre.
Pour éviter toute dérive, la proportion d’apprentis ne doit pas dépasser 20 % de l’effectif total d’une entreprise. Les secteurs ciblés sont à la fois stratégiques et dynamiques : textile, câblage, aéronautique, agroalimentaire, tourisme. Autant de filières où la demande de main-d’œuvre qualifiée est constante et où l’apprentissage peut déboucher sur une insertion directe.
La réussite du programme repose sur une gouvernance modernisée et un pilotage numérique. Tous les apprentis sont suivis via leur numéro Massar, garantissant la traçabilité du parcours, du contrat à l’emploi. Les 2 300 instituts de formation professionnelle du pays sont désormais reliés à une base unifiée, tandis que des comités sectoriels supervisent la mise en œuvre et évaluent les résultats. Cette coordination fine permet d’ajuster les formations aux besoins du marché, région par région. Younes Sekkouri nuance d’ailleurs : « L’offre de formation existe partout, mais l’insertion dépendra du dynamisme local. Ce sont les entreprises et la demande régionale qui détermineront le rythme du déploiement. »
Au centre du dispositif, l’Anapec joue un rôle pivot. L’agence recense les besoins, mobilise les entreprises, oriente les jeunes et suit leur insertion. En deux mois, elle a déjà contacté 12 000 entreprises et identifié 39 000 postes potentiels, tout en intégrant 30 000 Neet, ces jeunes sans emploi ni formation, désormais suivis dans le cadre du programme. Ce travail de terrain confère à l’Anapec une mission stratégique : relier l’écosystème productif à la jeunesse du pays.
Au-delà des chiffres, Tadaroj marque une évolution culturelle dans la relation entre l’État et l’entreprise. Le ministre parle d’une logique d’insertion économique qui remplace la logique purement administrative. Les entreprises sont désormais considérées comme co-éducatrices et non comme de simples employeurs. Des conventions sectorielles ont déjà été signées dans l’artisanat, le tourisme, l’industrie et l’agroalimentaire, élargissant progressivement le réseau de partenaires privés. Ce changement d’approche rejoint la philosophie royale de valorisation du capital humain, exprimée dans plusieurs discours de SM le Roi Mohammed VI. Il s’inscrit également dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de l’inclusion économique des jeunes, pilier du Nouveau Modèle de Développement.
L’ambition de Tadaroj ne se limite pas à la formation : elle vise une transformation structurelle du marché du travail. Les objectifs fixés par le ministère, un taux d’insertion compris entre 78 % et 95 % selon les secteurs, traduisent la volonté d’obtenir des résultats mesurables. Si la dynamique actuelle se maintient, le Maroc pourrait voir émerger d’ici 2030 une génération de techniciens et d’ouvriers qualifiés capables de soutenir la relance industrielle, logistique et touristique du pays.
Tadaroj n’est donc pas une mesure ponctuelle. C’est un chantier social, économique et territorial. Il lie emploi, dignité et souveraineté productive. Et pour une jeunesse en quête de repères, il offre enfin une perspective : celle d’un avenir construit dans l’effort, la compétence et la fierté de contribuer à la croissance nationale.
Tadaroj en chiffres
100 000 apprentis par an d’ici 2026
Objectif intermédiaire inscrit dans le cadre du PLF 2026 pour tripler la capacité nationale de formation par alternance.
500 000 apprentis à l’horizon 2030
Ambition fixée par le ministère de l’Inclusion économique pour ancrer durablement la culture de l’apprentissage dans le tissu productif.
Budget global 2025-2026 : 800 millions DH
Mobilisation publique et privée destinée à financer les écoles internes, la formation pratique et la rémunération des apprentis.
Subvention de 5 000 DH par apprenti et par an
Versée par l’État aux entreprises, coopératives et unités artisanales pour encourager l’intégration des jeunes en formation.
Contribution privée : 500 à 2 000 DH par mois
Part versée directement par les entreprises formatrices à chaque apprenti sur une durée de 6 à 24 mois.
Taux d’insertion : 78 % à 95 % selon les secteurs
Les métiers du textile, du câblage, de l’aéronautique, de l’agroalimentaire et du tourisme affichent les meilleurs résultats.
2 300 instituts de formation connectés
Rattachés à un système numérique unifié garantissant le suivi, la traçabilité et la coordination territoriale du programme.
30 000 jeunes Neet intégrés
Premiers bénéficiaires suivis par l’Anapec dans le cadre du dispositif Tadaroj, avec 39 000 postes potentiels identifiés.
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