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Abdelhak El Merini, la mémoire vive du Palais s’est éteinte

Par Kenza El Mdaghri


Abdelhak El Merini s’est éteint à Rabat, le 2 juin 2025, à l’âge de 91 ans. Avec lui disparaît bien plus qu’un haut fonctionnaire d’État. C’est une figure intellectuelle majeure, un historien de référence et un homme de confiance du Palais royal qui tire sa révérence après une vie entière dédiée à la monarchie et à l’histoire du Maroc. Sa voix posée, sa plume érudite et son attachement indéfectible à l’institution monarchique ont fait de lui un pilier discret mais essentiel du Royaume.

Né en 1934 à Rabat au sein d’une famille originaire de Fès, ancrée depuis longtemps dans les cercles proches du Palais, Abdelhak El Merini grandit dans un environnement imprégné de tradition, de savoir et de loyauté. Très tôt, il entame l’apprentissage du Coran avant de poursuivre ses études au collège Moulay Youssef, puis à l’Institut des hautes études marocaines, où il se distingue par sa rigueur. Il obtient sa licence en lettres arabes en 1962, avant de poursuivre un parcours académique brillant en France. À l’université de Strasbourg, il décroche successivement un diplôme d’études supérieures, un doctorat en 1973, puis un doctorat d’État en 1989 à l’université Mohammed Ben Abdellah de Fès. Ce cheminement témoigne de l’ampleur de sa formation et de son attachement au savoir.

C’est en 1965 qu’il entre officiellement au service de la monarchie, en intégrant la Direction du protocole royal. Il y œuvre dans l’ombre, avec constance et méthode, avant d’en devenir directeur en 1998. Cette fonction l’amène à gérer les détails les plus fins de l’étiquette royale et du cérémonial d’État, un rôle où l’érudition et la précision sont essentielles. En 2010, il est nommé historiographe du Royaume, une charge prestigieuse qui le place au cœur de la mémoire officielle du Maroc. Deux ans plus tard, il est désigné porte-parole du Palais royal, fonction qu’il assumera jusqu’à la fin de sa vie avec un mélange rare de discrétion, de loyauté et de sens du mot juste.

À travers ses multiples fonctions, El Merini a incarné une tradition de continuité monarchique enracinée dans la connaissance, la retenue et le service. Il était la voix institutionnelle qui, dans les moments clés, traduisait les messages du Souverain, annonçait les décisions royales, ou encore relayait les événements protocolaires. Mais au-delà des communiqués et des discours, il portait aussi un rôle symbolique, celui d’un homme de lettres au service de l’État. Il savait conjuguer fidélité à la tradition et souci de précision historique, avec une rare maîtrise de la langue et de la forme.

Auteur prolifique, Abdelhak El Merini a publié de nombreux ouvrages devenus des références, notamment « L’Armée marocaine à travers l’Histoire », qui lui valut le Prix du Maroc du Livre en 1968. Son travail est marqué par une volonté de documenter les trajectoires royales, à travers des ouvrages comme « Mohammed V : Études et Témoignages » ou « Hassan II : L’homme et le Roi ». À travers ces livres, il ne se contente pas de raconter l’histoire ; il la met en perspective, il en souligne les racines et la portée. En 1997, il obtient également le Prix Abdellah Guennoun pour l’ensemble de son œuvre, saluant son apport majeur à l’historiographie nationale.

Homme de lettres, homme d’État, homme de confiance, Abdelhak El Merini laisse une empreinte rare, à la croisée de la tradition intellectuelle marocaine et de l’engagement institutionnel. Dans un monde où les postures bruyantes prennent souvent le pas sur la profondeur, il incarne une autre école : celle du service sans tapage, de l’autorité sans ostentation, du savoir sans vanité. Son départ marque la fin d’un chapitre, mais son œuvre, son style et sa fidélité continueront d’éclairer ceux qui, après lui, auront à écrire l’histoire du Royaume.


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