À Séville, Akhannouch porte la voix royale pour refonder le financement mondial

Par Hamza Abdelouaret
Mandaté par le Roi Mohammed VI, Aziz Akhannouch prend part à la Conférence des Nations Unies sur le financement du développement, dans un contexte marqué par des déséquilibres croissants entre pays du Nord et du Sud. Dès son arrivée à Séville, il a été reçu lors d’un dîner solennel offert par le roi Felipe VI et la reine Letizia, aux côtés de Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des Finances, d’Omar Hilale, représentant permanent du Royaume à l’ONU, et de Karima Benyaich, ambassadrice à Madrid. Cette délégation incarne une présence stratégique, à la mesure des ambitions portées par la diplomatie marocaine dans le remodelage de l’architecture financière internationale.
Un défi colossal : mobiliser 4 000 milliards pour les Objectifs de développement durable
La Conférence, organisée sous l’égide de l’ONU, rassemble une soixantaine de chefs d’État et plusieurs milliers de décideurs et d’acteurs financiers autour d’un objectif central : combler un déficit annuel de 4 000 milliards de dollars nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable. Il ne s’agit plus simplement de réajuster les instruments de financement existants, mais de repenser en profondeur les leviers d’une coopération mondiale efficace, équitable et résiliente.
Au cœur des discussions figure un texte de compromis qui doit être adopté à l’issue de la conférence. Ce document politique, déjà largement négocié en amont, ambitionne de renforcer la représentation des pays du Sud dans les instances multilatérales, de tripler la capacité d’intervention des banques de développement, d’accélérer la lutte contre l’évasion fiscale et d’introduire des clauses de suspension de dette en cas de catastrophe. Le texte évoque aussi de nouvelles pistes de financement global, comme l’instauration de taxes sur les émissions carbone ou les patrimoines les plus élevés.
Le Maroc, dans cette dynamique, fait valoir une vision équilibrée, ancrée dans les réalités africaines et dans une logique de solidarité active. Il défend une approche qui conjugue responsabilité partagée et financement innovant, en rappelant l’urgence d’une réforme de gouvernance des institutions financières internationales. La voix portée à Séville est celle d’un État qui se positionne comme trait d’union entre continents, conscient de l’importance d’un multilatéralisme réformé, où les pays émergents ne sont plus de simples bénéficiaires mais des co-constructeurs.
Une recomposition diplomatique sans les États-Unis
Dans ce moment de bascule, l’absence des États-Unis dans les négociations finales du texte n’est pas passée inaperçue. Elle a laissé place à une recomposition des rapports d’influence, où l’Europe, certains pays d’Amérique latine et des puissances africaines, comme l’Afrique du Sud, ont renforcé leur leadership. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a lui-même lancé un appel fort à « relancer le moteur du développement mondial », insistant sur l’urgence d’investir dans les secteurs sociaux et les transitions climatiques. Il a rappelé que l’aide publique au développement stagne, que les dettes s’alourdissent, et que le fossé entre les promesses et les réalisations fragilise la stabilité globale.
À Séville, le Maroc s’est donc inscrit dans une démarche de co-construction et de proposition, loin de toute posture défensive. Il entend contribuer activement à l’adoption d’un nouveau pacte mondial du financement, plus juste, plus représentatif, et surtout, plus en phase avec les défis systémiques de ce siècle. Cette conférence marque une étape, mais aussi une mise à l’épreuve : celle de la volonté collective d’agir autrement, avec courage et avec clarté.