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Mohamed Kohen: Le médecin des mots


Riche d’un actif frôlant une centaine de publications scientifiques, Mohamed Kohen, chirurgien de métier, vient de franchir le monde de la littérature avec son premier roman « Le bloc des contradictions», édité aux Éditions Orion.

– Chirurgien, auteur, penseur ? Qui est Mohamed Kohen au juste ?

– Je suis né dans une famille musulmane, marocaine ancrée dans nos traditions ancestrales, la maman pieuse et pratiquante était la dépositaire de cet héritage, une famille ouverte sur la modernité par le biais d’une vision paternelle libérale et progressiste. J’ai appris à devenir ce que je suis grâce ou dû à ceux que j’ai fréquentés et aux livres. Aussi, je suis chirurgien avant tout, formé dans une grande école Nantaise qui enseignait, la rigueur de la science, le dévouement aux patients, l’humilité, l’humour et l’amour des autres. Confronté quotidiennement à la maladie et à la mort, il est naturel de penser sa vie et vivre sa pensée pour le dire dans le langage d’André Comte-Sponville. Penser, c’est une porte qui s’ouvre sur la sagesse. En ce sens, je suis dans la recherche perpétuelle de la compréhension de ce qui se joue des vivants. Devenir ce qu’on est peut paraître incongru, la formule n’est pas de moi, elle prend sa racine dans la pensée stoïcienne, qui nous incite à sculpter sa personnalité dans le bloc de marbre que nous sommes à la naissance. Je l’ai fait comme une éponge, apprendre de chaque expérience une leçon. J’ai appris de ma famille, de la rue, de l’école publique, des lectures et de certains médias, ce qui me construit aujourd’hui. Pour ce qui est de l’écriture. J’ai à mon actif une centaine de publications et de communications scientifiques, mais le roman est un nouvel exercice pour moi. J’espère l’avoir réussi.

– Le bloc des contradictions : comment faut-il comprendre ce titre ?

– Le roman que j’ai commis parle de l’histoire d’un chirurgien hédoniste et attentif à la vie et à ce qui la fait. Il se délecte de ce qu’elle offre de beau. Il a rencontré l’amour que la schizophrénie sociétale va lui arracher. Sa vie est une question récurrente. Le personnage d’Ali, m’a permis d’évoquer parfois avec dérision et humour, quelques apories et quelques contradictions de notre société.

Nous sommes ambivalents. Non ? Nous aimons la paix et nous faisons la guerre. Nous prônons la liberté et nous pratiquons l’esclavagisme. Nous prétendons l’entraide et la fraternité et nous apprenons à nos enfants le racisme et l’intolérance. Nous sommes démocrates et chacun dans son coin est despote. Ces contradictions ensemble font bloc, un bloc de contradictions parmi un certain nombre de blocs dressés contre l’émancipation. Ce bloc de contradictions a nourri la trame du roman et ce titre s’est imposé par lui même comme une évidence.

– Quand avez-vous décidé de devenir écrivain ?

– Je n’ai absolument rien décidé. Ce roman est né presque instinctivement et franchement sans efforts. Il m’a apporté plus que ce que j’apporte. J’ai beaucoup appris et rien qu’en ceci, est une grande satisfaction. A travers cette audacieuse aventure, j’ai essayé d’intégrer les forces actives et réactives en moi dans la perspective d’une grande santé. Ce qui n’était qu’un jeu d’inspection et d’introspection a débouché sur un texte que je partage avec un immense plaisir, avec ceux qui en veulent bien. Mais de là à se dire écrivain ! Je pense que, lorsqu’on a comme référence, Camus, Rousseau ou Sartre, on ne peut pas s’autoproclamer écrivain après un premier roman. Il faut laisser le temps au temps, maitre suprême et aux lecteurs souverains pour décider de cette qualification. Mais toute modestie gardée, je pense que c’est une expérience enrichissante et j’ai même l’impression que ce roman est bien accueilli, ce qui me réjouit énormément.

– Parmi les nombreux intérêts que présente votre livre, il y a celui d’exposer et oser mettre en exergue certains aspects contradictoires et saillants de la société marocaine ? Pouvez-vous expliquer ce choix ?

– Effectivement je dénonce, sans réserve et sans jugement de ma part, le non respect d’autrui et l’individualisme de certains, l’incivisme et la misanthropie, la dégradation de la morale, l’ambivalence des lois qui régissent les libertés individuelles, l’hypocrisie sociétale, l’intégrisme religieux et bien d’autres aspects. Notre société essuie particulièrement plusieurs influences extérieures et des courants violents qui la fragilisent. Elle n’a pas été préparée à l’assaut de l’extrémisme religieux et celui du nihilisme occidental. Elle prend des raccourcis et colmate les brèches à l’endroit de solutions étudiées et durables.

– Le lecteur est transporté entre fiction et réalité, quelle limite avez-vous placé pour le récit autobiographique ?

– Ce roman est une pure fiction et comme toute fiction, elle puise son essence dans la réalité ou dans ce qui pourrait l’être. Ce n’est donc pas autobiographique, ceci dit, on n’écrit que ce qu’on sait. Les personnages sont fictives mais certaines situations ont bien eu lieu, elles sont sublimées et romancées volontairement pour leur donner plus d’impact. Chaque création dit quelque chose de son auteur. On retrouve forcément l’écrivain dans ses textes, le poète dans ses rimes, le peintre dans ses tableaux et le musicien dans sa musique. Sans la vue affaiblie de Monet, il n’aurait pas pu inventer l’impressionnisme. De ce fait, j’ai forcément quelque chose de la personnalité de Ali ou plutôt celle de Ali a des choses en commun avec la mienne, mais je ne suis pas le personnage du roman.

– Quels prolongements comptez-vous donner à ce livre ?

– Ce roman n’a nulle autre prétention que de distraire le lecteur et si par bonheur il venait à animer chez lui quelques interrogations et induire peut être une réflexion, je n’en serai que plus heureux. Je n’ai pas prémédité ce roman et si un prochain sera, il suivra peut être le même processus. L’idée était venue spontanément, elle a germé aussi facilement qu’elle était venue et il a suffi de la transcrire sans effort. Mais pour en faire un roman, il a fallu la touche finale d’un éditeur averti.


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