1er Mai : Quand la mémoire des luttes inspire le présent


Chaque année, le 1er mai ressurgit dans le calendrier non pas comme un simple jour chômé, mais comme un rappel vibrant d’une lutte longue, rude, parfois sanglante, menée par des générations de travailleurs pour une vie plus digne. Entre mémoire collective et défis contemporains, cette journée cristallise les espoirs, les colères mais aussi les silences d’un monde du travail en mutation.
Une origine ouvrière et internationale
L’histoire du 1er mai plonge ses racines dans le mouvement ouvrier américain, et plus précisément à Chicago en 1886, où les syndicats réclamaient une journée de huit heures. La répression brutale qui suivit les manifestations, notamment lors du tristement célèbre massacre de Haymarket, transforma cette revendication en symbole international. En 1889, l’Internationale socialiste fit du 1er mai une journée mondiale de mobilisation des travailleurs.
Depuis, le 1er mai est devenu un marqueur universel de la lutte sociale. En France, il est associé à la tradition du muguet, symbole de bonheur et d’espoir. Dans d’autres pays, il prend la forme de défilés, de discours ou, parfois, d’absences criantes de mobilisation.
Le Maroc et l’esprit du 1er mai : une histoire singulière
Au Maroc, la première commémoration du 1er mai remonte à 1951, en plein protectorat. À Casablanca, un rassemblement fut organisé clandestinement, aussitôt réprimé. Ce moment est resté dans les mémoires non seulement comme un acte de résistance syndicale, mais aussi comme un acte politique dans la lutte pour l’indépendance nationale.
Après 1956, les syndicats marocains ont poursuivi le combat pour les droits économiques et sociaux, souvent dans un contexte de répression politique ou de cooptation. L’UMT, la CDT, l’UGTM ou encore la FDT ont incarné différentes phases de cette histoire, entre conflits sociaux, négociations avec l’État et évolutions internes.
De la rue à la table des négociations, une transition inachevée
Si les années 1980 et 1990 ont été marquées par de grandes mobilisations populaires, les décennies suivantes ont vu un recentrage du 1er mai autour de discours formels, parfois déconnectés des réalités de terrain. Le dialogue social institué depuis les années 2000 a tenté de canaliser les revendications syndicales dans des cadres concertés, mais non sans tensions, retards ou impasses, comme le montre l’état actuel des négociations sur les salaires, les retraites ou le droit de grève.
En 2025, alors que le SMIG reste en deçà des attentes et que les inégalités salariales persistent, les syndicats réclament une revalorisation effective des bas salaires, l’application équitable du SMAG pour les zones rurales et une véritable réforme de la représentativité syndicale. La CDT évoque encore l’attente d’un texte législatif sur l’organisation des syndicats, suspendu depuis 2020.
Un monde du travail fragmenté
Aujourd’hui, les formes classiques du salariat cèdent progressivement la place à une précarisation généralisée : plateformes numériques, contrats temporaires, travail informel ou non rémunéré, notamment pour les femmes. Le 1er mai devient alors l’occasion de poser une question fondamentale : comment défendre les droits des travailleurs dans un monde où la figure même du travailleur se dilue ?
Les nouvelles générations, souvent éloignées des structures syndicales, expriment leurs revendications autrement, sur les réseaux sociaux, dans les collectifs non affiliés, dans la rue parfois, mais rarement le 1er mai. Ce décalage interroge sur la capacité des syndicats à se réinventer et à recréer du lien.
Et maintenant ?
Le 1er mai 2025 ne se contente pas de rappeler un héritage. Il appelle à un aggiornamento, une refondation du contrat social. Il rappelle que les luttes ne sont jamais figées dans le passé, elles se rejouent chaque jour dans les choix politiques, dans les relations de travail, dans les discours ou les silences.
Alors que le gouvernement prépare les prochaines réformes en amont des élections de 2026, et que les partenaires sociaux s’interrogent sur l’efficacité réelle du dialogue social, cette journée reste une balise. Elle nous dit que rien n’est définitivement acquis, ni les droits, ni les conquêtes sociales, ni la paix sociale.