167 000 postes créés, mais le sous-emploi explose à 11,1% : Le marché du travail face à son grand paradoxe
Création massive d’emplois : 167 000 postes nets alimentent la croissance au troisième trimestre 2025. Le chômage recule à 13,1%, mais ce progrès est éclipsé par la montée critique du sous-emploi, atteignant désormais 11,1% de la population active occupée. Fragilités structurelles : Le paradoxe de la précarité frappe particulièrement le secteur du BTP et accentue la disparité envers les femmes, dont le taux de chômage augmente à 21,6%.
LA VÉRITÉ
Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a levé le voile sur les tendances marquantes du marché du travail marocain au troisième trimestre de 2025 (T3-2025), dévoilant une note d’information qui dessine un paysage contrasté. Si l’économie nationale a fait preuve d’une vitalité remarquable en matière de création d’emplois, le reflux du chômage est néanmoins tempéré par une progression inquiétante de la précarité professionnelle. Le Maroc a-t-il trouvé la clé d’une croissance inclusive, ou l’expansion des opportunités masque-t-elle des fragilités structurelles ? Cette analyse détaillée, publiée depuis Rabat, révèle les mécanismes complexes de l’activité professionnelle à travers le Royaume.
Une impulsion sectorielle majeure : 167 000 postes créés
L’indicateur le plus éloquent de ce trimestre réside dans la création nette de 167 000 postes d’emploi au niveau national. Cette dynamique est principalement portée par les secteurs non agricoles, signant une réorientation notable de l’activité économique. En effet, le secteur des services s’est imposé comme un moteur essentiel, générant 94 000 nouveaux postes, soit une croissance de 1%. De plus, l’activité du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) a affiché une vigueur exceptionnelle, créant 90 000 postes. L’industrie, également contributeur significatif, a enrichi le marché de 29 000 postes d’emploi supplémentaires.
Par contre, cette croissance n’est pas uniforme. Le secteur traditionnel de l’« agriculture, forêt et pêche » a connu un recul important, perdant 47 000 postes d’emploi durant cette période. Par conséquent, le taux d’emploi, bien que soutenu par ces créations, a globalement stagné à 37,6%. Par ailleurs, il convient de noter que la population active demeure fortement concentrée : cinq régions majeures abritent 72,5% de l’ensemble des actifs âgés de 15 ans et plus. La région de Casablanca-Settat occupe la première place avec 22,9% des actifs, suivie par Rabat-Salé-Kénitra (13,4%), Marrakech-Safi (12,7%), Fès-Meknès (12,1%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (11,4%).
Le chômage en recul, mais les inégalités persistent
Les données du HCP confirment un recul appréciable du chômage. Le taux national a décru de 0,5 point, s’établissant à 13,1%. Le nombre de chômeurs a ainsi diminué de 55 000 personnes en un an, passant de 1 683 000 à 1 629 000 chômeurs. Cette amélioration s’est manifestée tant en milieu urbain, où le taux est passé de 17% à 16,3%, qu’en milieu rural, où il a atteint 6,9%. De ce fait, le taux de chômage des diplômés a, lui aussi, enregistré une baisse, s’établissant à 19%. Cette dynamique positive est particulièrement visible parmi les hommes, dont le taux de chômage a régressé d’un point, atteignant 10,6%. La baisse la plus spectaculaire concerne notamment les titulaires de diplômes de techniciens et de cadres moyens, dont le taux a chuté de 2,3 points, s’arrêtant à 27,6%.
Toutefois, l’analyse approfondie révèle une réalité plus nuancée. Le taux de chômage des femmes a, au contraire, augmenté de 0,8 point pour atteindre 21,6%. En outre, malgré le recul national, le chômage demeure très concentré géographiquement. Cinq régions agrègent 73,2% de l’ensemble des chômeurs. Casablanca-Settat arrive en tête, concentrant 26,4% des chômeurs, suivie de Fès-Meknès (14,2%) et de Rabat-Salé-Kénitra (13,7%). Les disparités régionales sont frappantes : si le Sud (21,4%) et l’Oriental (21,2%) enregistrent les taux de chômage les plus élevés, d’autres régions comme Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (8,6%) et Marrakech-Safi (8,7%) affichent des performances bien plus favorables.
L’expansion critique du sous-emploi
Si le chômage diminue, la qualité de l’emploi, par contre, se dégrade, un phénomène cristallisé par l’augmentation sensible du taux de sous-emploi. Ce taux est passé de 10% à 11,1% au niveau national. En conséquence, le volume des actifs occupés en situation de sous-emploi a bondi de 133 000 personnes, atteignant 1 199 000 personnes.
Cette précarité accrue frappe particulièrement certaines catégories. Les hausses les plus importantes du taux de sous-emploi ont été enregistrées parmi les personnes âgées de 35 à 44 ans (+2,2 points) et les jeunes de 15 à 24 ans (+2 points). Les populations rurales (+1,8 point) et les non-diplômés (+1,2 point) sont également fortement touchées. De même, l’examen par secteur d’activité révèle que le BTP, malgré sa forte création d’emplois, reste le secteur le plus vulnérable au sous-emploi, connaissant une augmentation de 2,3 points pour atteindre 22,2%. L’« agriculture, forêt et pêche » suit aussi cette tendance avec une hausse de 1,2 point, portant son taux à 13,1%. Le sous-emploi lié à l’insuffisance du revenu ou à l’inadéquation entre la formation et l’emploi exercé a d’ailleurs concerné 577 000 personnes.
Des fondations solides mais fragiles
Les chiffres du troisième trimestre 2025, tels que présentés par le HCP, témoignent d’une résilience macroéconomique significative, marquée par une impulsion franche de la création d’emplois, notamment dans les services et le BTP. Cette dynamique a permis de réduire le nombre de chômeurs et d’améliorer la situation des jeunes diplômés et des cadres.
Néanmoins, cette note d’information met en lumière un paradoxe central, la diminution du chômage s’accompagne d’un effritement de la qualité du travail, comme en atteste la montée critique du sous-emploi qui atteint 11,1%. Par conséquent, la question qui se pose pour les prochaines échéances est de savoir si l’économie marocaine réussira à transformer les emplois créés en opportunités durables et de haute qualité, stabilisant ainsi son marché du travail face aux disparités régionales et aux inégalités croissantes envers certaines catégories, notamment les femmes.
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